Plus de quarante avocats se sont constitués dans la défense des trois coaccusés, lesquels ont récusé les deux chefs d'inculpation retenus contre eux. Le procès de Khaled Drareni, Samir Belarbi et Slimane Hamitouche s'est ouvert, hier à 14h, avec une heure de retard sur le timing annoncé, à cause de problèmes d'internet. La présidente de la Chambre correctionnelle près le tribunal de Sidi M'hamed (Alger) a appelé à la barre Belarbi et Hamitouche, en liberté provisoire, mais n'est pas parvenue à établir le contact, via Skype, avec le journaliste Khaled Drareni en détention préventive à la prison de Koléa. Elle a suspendu l'audience 5 minutes, le temps de lever la contrainte technique. À la reprise, Khaled Drareni est apparu à l'écran, amaigri, mais souriant. La magistrate a énoncé les chefs d'inculpation : "Atteinte à la sécurité et l'unité nationale et incitation à attroupement non armé." Me Haboul de la défense a aussitôt invoqué l'inconstitutionnalité des articles 79 et 100 du code pénal, sur lesquels sont fondées les poursuites judiciaires. La requête est acceptée dans la forme, mais rejetée dans le fond. Me Abdallah Haboul s'est engagé, alors, dans un plaidoyer pour l'annulation des chefs d'inculpation, en sériant les vices de procédure lors de l'interpellation et de la garde-à-vue. Le conciliabule entre les avocats, la présidente de l'audience et le procureur de la République sur les violations des procédures, dans la forme, ont duré près de 45 minutes. Auditionné sur les accusations portées contre lui, Khaled Drareni a répondu : "J'ai exercé mon métier de journaliste indépendant en toute neutralité. J'ai couvert autant les marches du Hirak que celles des pro-régime. En donnant des informations vérifiées et fiables, je préserve l'unité nationale, je ne la menace pas." La magistrate l'a confronté avec ses publications sur Facebook, qui expriment, selon elle, "des points de vue personnels". Drareni a répliqué : "En ma qualité de journaliste et de citoyen, j'ai le droit de livrer une opinion, sans insulter ou diffamer." Il a été taclé sur ses interventions sur TV5 Monde et France 24 sans accréditation. Le journaliste réplique en expliquant qu'il "n'est pas le correspondant officiel de ces chaînes, mais juste un collaborateur conjoncturel". Me Assoul a interféré dans l'audition en signifiant que les questions n'ont aucun lien avec les accusations consignées dans le dossier de fond. La magistrate est revenue à l'objet du procès et l'a interrogé sur sa participation à la marche du 7 mars. Il lui a dit qu'il se trouvait dans son appartement, à la rue Didouche-Mourad, et quand il a entendu les clameurs de la manifestation, il est sorti pour la couvrir. Vient ensuite le tour de Samir Belarbi. La présidente de l'audience s'est tournée ensuite vers lui pour entendre sa version. "Je suis un militant politique et j'ai toujours œuvré à me battre pour la démocratie pacifiquement. J'ai été emprisonné deux fois, alors que je suis innocent", a-t-il affirmé. "Le président de la République parle de ‘Hirak béni'. Le Hirak ne peut donc être un danger. J'ai participé à une marche silmiya comme je l'ai fait chaque vendredi", a-t-il poursuivi. Slimane Hamitouche, troisième accusé dans le dossier, a récusé également les accusations : "Je n'ai, à aucun moment, envisagé d'attenter à l'unité nationale. Mon objectif est la quête de la vérité (sur les disparus des années 90, ndlr)." Au terme de ces débats, c'est au procureur de prononcer son réquisitoire. Sévère. Il a demandé "quatre ans de prison ferme, la privation des droits civiques pendant une période égale assortie d'une amende de 100 000 DA". La séance est suspendue 15 minutes afin de permettre au collectif de défense d'établir une liste restreinte des plaideurs, et permettre ainsi le prononcé du verdict le jour même. Finalement, aucun avocat — une quarantaine — n'a voulu renoncer à sa plaidoirie. Tour à tour, la défense composée des ténors du barreau se succède à la barre. Mes Badi, Bekhti, Bouchachi, Smaïl, Sidhoum, Tamert, Allili, Haboul, Assoul ont, tour à tour, pris la parole pour démonter l'accusation. À l'heure où nous mettons sous presse, les avocats poursuivent leurs plaidoiries. Arrêté le 7 mars dernier lors d'une manifestation à Alger, le fondateur du site d'information Casbah Tribune, Khaled Drareni, a été placé sous mandat de dépôt le 29 mars, à la prison d'El-Harrach. Il est poursuivi pour "incitation à un rassemblement non armé" et "atteinte à l'unité nationale". Pour rappel, les trois accusés ont été arrêtés le 7 mars dernier lors d'une manifestation à Alger. Le fondateur du site d'information Casbah Tribune, Khaled Drareni, a été placé sous mandat de dépôt le 29 mars, alors que Samir Belarbi et Slimane Hamitouche, arrêtés également le même jour, ont bénéficié d'une remise en liberté provisoire le 2 juillet dernier.