Les 13 pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) semblent avoir la main lourde, produisant, en juillet, 23,17 millions de barils par jour (mbj), soit 980 000 barils par jour de plus qu'il n'en fallait. Ces indications sont contenues dans le dernier rapport mensuel de l'Opep rendu public hier. Par conséquent, cette "boulimie collective", ajoutée à une demande qui reste atone, pourrait créer une forte incertitude pour les marchés pétroliers, tirant vers le bas les prix de l'or noir. Dans ses perspectives sur l'évolution des prix du brut et des produits pétroliers, l'Opep estime, dans son rapport, que ceux-ci "continueront à être affectés au second semestre par les préoccupations quant à une seconde vague d'infection et des stocks mondiaux en hausse". Cette situation "souligne la nécessité d'efforts continus pour soutenir le rééquilibrage du marché, tant du côté de l'offre avec des ajustements de production des producteurs de l'Opep et non-Opep (...) que du côté de la demande à travers des incitations gouvernementales pour soutenir l'économie mondiale", ajoute l'Organisation pétrolière. Dans ce contexte, les petits producteurs risquent de voir leurs revenus pétroliers érodés encore davantage par le fléchissement des marchés. "Les six pays fragiles de l'Opep que sont l'Algérie, l'Iran, l'Irak, la Libye, le Nigeria et le Venezuela, font face à des perspectives politiques et économiques très précaires", a déclaré Helima Croft, expert dans le domaine des matières premières chez RBC Capital Markets LLC, cité par Bloomberg. Ainsi, les Etats membres de l'organisation ne sont pas tous logés à la même enseigne ; les gros producteurs disposent d'une marge de manœuvre sensiblement élargie par rapport aux petits producteurs, c'est-à-dire qu'ils peuvent surproduire quand ils le souhaitent pour compenser la baisse des revenus provenant des exportations. Les petits producteurs, ayant un niveau de production bas, ne le peuvent pas, eux. D'ailleurs, la majeure partie de la hausse de la production en juillet vient d'Arabie saoudite qui a produit 8,4 mbj en juillet (+866 000 bj). Les Emirats, le Koweït et l'Irak figurent également parmi les pays dont la production s'était inscrite en hausse, tandis que celle de l'Angola était en baisse. Les membres de l'Opep et leurs alliés, dont la Russie, avaient reconduit en juillet leur engagement de baisse de production, entamée début mai pour soutenir des cours du brut déprimés par la chute de la demande sous l'effet de la pandémie de Covid-19. La production Opep avait baissé en mai et juin. Plus globalement, le rapport de l'Opep fait apparaître une "augmentation" de la production mondiale d'hydrocarbures liquides en juillet à "88,75 mbj (+1,29 mbj)". L'Opep a toutefois légèrement baissé son estimation de la demande mondiale de pétrole en 2020, principalement en raison "d'une activité économique plus faible" dans les pays hors zone OCDE. En 2020, la demande mondiale de pétrole devrait reculer de "9,2 mbj (révisé en baisse de 0,1 mbj par rapport au mois précédent) à 90,6 mbj". Pour 2021, l'Opep a maintenu sa prévision d'un rebond de "7 mbj à 97,6 mbj". Mais de grandes incertitudes existent, et pourraient se traduire par un impact "négatif" sur la consommation mondiale de pétrole, estime l'Opep. L'organisation cite notamment "l'ampleur du rebond" de l'activité économique qui déterminera la hausse de la demande de pétrole l'année prochaine. Un autre facteur d'incertitude est la "poursuite des infections de Covid-19 et la vitesse à laquelle la recherche pourra trouver un vaccin ou un traitement". Dans une étude publiée le 3 août dernier par l'IFP (Institut français du pétrole), il est expliqué que "la demande mondiale devrait, sous réserve d'un nouvel effet Covid-19, continuer à progresser aux 3e et 4e trimestres". Il y est également noté que "le bilan offre/demande fait apparaître, sur la base des dernières prévisions de l'AIE, des déficits (des déséquilibres entre l'offre et la demande) sur les deux prochains trimestres". L'étude met, par ailleurs, en avant le fait que "la hausse limitée de l'offre Opep+ devrait permettre de soutenir le prix du pétrole, à moins d'un changement significatif du contexte économique". Youcef Salami