Le passage de l'ANPP sous la coupe du ministère de l'Industrie pharmaceutique est renvoyé aux calendes grecques et restera, du moins pour le moment, sous la tutelle du département de la Santé. Le sort de l'Agence nationale des produits pharmaceutiques semble être scellé. Elle ne changera pas de tutelle, du moins pour le moment. L'ANPP restera toujours sous le contrôle du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Le dossier pour placer l'ANPP sous l'autorité du ministère de l'Industrie pharmaceutique n'a finalement pas été examiné lors du dernier Conseil des ministres tenu le dimanche 23 août. Des sources proches de la famille médicale et des syndicats de la santé avaient pourtant annoncé qu'une "ordonnance présidentielle serait promulguée au lendemain du Conseil des ministres du 23 août". Laquelle ordonnance viendra "légaliser" le changement de "casquette" ministériel de l'Agence de produits pharmaceutiques. Selon des sources au fait du dossier en question qui continue à faire les manchettes de la presse, le passage de l'ANPP sous la coupe du ministère de l'Industrie pharmaceutique est renvoyé aux calendes grecques. À en croire les mêmes indiscrétions, les hautes autorités du pays auraient demandé aux services compétents de soumettre de nouveau l'Agence au comité d'arbitrage pour peaufiner les textes réglementaires et mesurer les conséquences qui en découleraient. Autrement dit, l'évolution du dossier de contrôle de l'Agence devra faire l'objet d'un large débat entre les professionnels de la santé. En fait, les "devoirs" de l'ANPP ne se limitent pas uniquement à l'enregistrement de médicaments et à l'homologation des équipements de santé. Cette agence a aussi l'obligation de s'acquitter de sa mission de contrôle sanitaire et des essais cliniques. Alors que le chef de l'Etat a toujours insisté, lors de toutes ses interventions publiques, que la santé des Algériens reste "une ligne rouge". En somme, jamais un dossier de textes réglementaires relevant du domaine médical n'a provoqué autant de controverses comme celui du changement de tutelle à l'Agence nationale des produits pharmaceutiques. La bataille autour du contrôle de cette Agence mérite-t-elle de susciter autant de vives polémiques qui s'apparentent aux contestations qui avaient suivi le projet de l'ancien ministre de l'Energie Chakib Khelil, la loi sur la privatisation des hydrocarbures de 2005, au point que l'ex-président de la République a été contraint au final de l'abroger ? Les professionnels de la santé et des opérateurs de l'industrie pharmaceutique se sont livrés, par déclarations interposées, à une bataille autour du contrôle de l'ANPP. Néanmoins, il importe de rappeler que l'assise juridique de ladite agence inaugurée le 1er juillet dernier remonte à 2008. Le premier texte juridique portant création et mise en place de cette agence de médicaments a été promulgué en septembre 2008. En effet, la loi 08/13 a été décrétée, rappelons-le, pour modifier la loi sanitaire de 85/05 et pour jeter les jalons de l'Agence en question. Tout un chapitre a été créé pour assurer l'ancrage juridique de l'ANPP. Un autre texte juridique a été ordonné le 6 décembre 2015. Il s'agit du décret 15/308 qui vient fixer les missions, le fonctionnement et l'organisation de l'ANPP. La composition, le fonctionnement et l'organisation des commissions spécialisées de l'ANPP ont fait l'objet d'un autre texte réglementaire le 15/309, soit le 6 décembre 2015. La promulgation de la nouvelle loi sanitaire en juillet 2018 a été suivie d'un texte réglementaire, le décret 19/90 du 3 juillet 2019, abrogeant ainsi le décret 15/308. Les promoteurs du projet de passage de l'Agence sous la coupe du ministère de l'Industrie mettent en avant des arguments d'ordre économique et technique liés au décollage de l'industrie pharmaceutique en Algérie. Pour ces derniers qui disent s'inspirer du modèle sud-coréen, la "récupération" de l'Agence donnera un coup d'accélérateur à la production locale, en s'engageant à atteindre un taux de 70% de la couverture des besoins locaux nationaux, tout en sachant que 52% des besoins nationaux en médicaments proviennent de l'importation. Alors que la valeur du marché national des produits médicamenteux a atteint les 4 milliards de dollars. Les instigateurs pour le projet de changement disent disposer de moyens pour transformer "l'industrie pharmaceutique" en un véritable outil générateur de devises pour le pays. Un tel engagement est-il réalisable dans un environnement qui ne ressemble en aucun cas à celui du géant sud-coréen ? En revanche, les professionnels et les syndicats de la santé s'opposent toujours au changement de tutelle de l'ANPP. Ils plaident pour le maintien de cet organisme de médicaments sous la tutelle de la Santé. Pour eux, "la santé du citoyen n'est pas une marchandise. Elle doit toujours être placée sous la tutelle de la santé. L'Agence doit être mise à l'abri des interférences des lobbys du médicament". Les défenseurs de cette position rappellent que les agences du médicament, telles que l'ANSM de France, la FDA des USA, sont toutes placées sous l'autorité du ministère de la Santé. "L'Algérie n'a pas besoin de faire l'exception en matière de protection de la santé du citoyen." Leur autre argument mis sur le tapis est lié à la vocation essentielle de l'Agence : le contrôle sanitaire. "Le ministère de l'industrie ne peut être juge et partie", dénoncent-ils. Mais comment doit-on agir pour sortir l'industrie pharmaceutique de l'impasse ?