Le monopole de fait que continue d'exercer Naftal sur le marché de la distribution du gaz au niveau national risque, à terme, de gâcher durablement l'investissement privé dans cette branche. C'est après avoir frappé à toutes les portes, sans qu'ils trouvent une oreille attentive à leurs préoccupations, que les propriétaires de centres enfûteurs de gaz ont décidé de sortir de leur réserve pour alerter les plus hautes autorités du pays sur le danger qui guette les colossaux investissements consentis pour mettre en place ce type d'infrastructures afin de répondre à la demande des consommateurs en gaz butane et propane, notamment en période hivernale où la spéculation fait monter le prix de la bouteille de gaz à 500 ou 600 DA. Selon le président de l'association des propriétaires de centres enfûteurs de gaz et néanmoins DG de Petrofina, M. Nacer Ziani, les problèmes qui se posent pour les investisseurs dans cette branche sont principalement liés au refus de l'entreprise nationale Naftal de l'interchangeabilité de sa bouteille de gaz avec celle mise sur le marché par eux-mêmes ; ce qui provoque un blocage pour leur marchandise. Pourtant, d'après les concernés, qui se sont réunis hier à Alger, la bouteille qu'ils commercialisent répond à toutes les normes de sécurité puisque fabriquée par la même entreprise nationale qui fournit Naftal, à savoir BAG. Même un arrêté ministériel, signé par le ministre de l'Energie et des mines et portant sur l'interchangeabilité de ces deux bouteilles, n'a pas eu l'effet escompté puisqu'à ce jour, selon ces industriels, l'opérateur public fait fi de cette loi qu'il refuse d'appliquer. Avant d'avoir leur propre bouteille, ces investisseurs louaient chez Naftal les bouteilles à raison de 36 DA l'unité. “On t'oblige à prendre une bouteille réformable puisqu'elle a en moyenne 20 ans d'âge et on te refuse de mettre sur le marché une bouteille neuve qui répond à toutes les normes. C'est du chantage n'est-ce pas ?” s'indigne M. Ziani qui note que 80% des 25 millions de bouteilles de gaz en circulation ont plus de 20 ans d'âge ; ce qui fait d'elles “des bombes à retardement” pour tous les utilisateurs, en l'occurrence les ménages, les transporteurs, les entreprises… mais pourquoi Naftal refuse-t-elle d'appliquer la règle de l'interchangeabilité, objet d'un arrêté ministériel ? Les concernés, c'est-à-dire les opérateurs privés, se déclarent convaincus que le ministre de tutelle n'est pas au courant de la situation dans laquelle ils se débattent. “Le ministre n'est pas informé des réalités. C'est pour cela qu'aujourd'hui on s'adresse à lui à travers la presse, et nous l'interpellons directement pour qu'il intervienne afin de mettre fin à ce harcèlement qui met en péril les investissements consentis”, affirme pour sa part M. Abdelhamid Segal, le doyen des opérateurs privés dans ce secteur venu de Laghouat. Il estime que lui et ses collègues ont répondu à l'ouverture des pouvoirs publics de ce marché au privé par d'importants investissements qui tendaient à satisfaire la demande du consommateur algérien, notamment en période de grande spéculation. En effet, le déficit enregistré par le marché du gaz est estimé à 30%. C'est dans cette brèche que les opérateurs privés se sont engouffrés pour tenter de répondre à la demande considérée comme importante, mais apparemment c'était compter sans les réflexes hérités par l'opérateur public de la période de monopole. Ces opérateurs font aussi face à un autre problème qui commence à peser sur leur activité de manière aiguë. Il s'agit de l'approvisionnement à partir des centres de production et des bras de chargement appartenant soit à Sonatrach ou à Naftal directement. Là aussi, selon ces opérateurs, c'est la discrimination totale. “Soit on vous demande de patienter pour laisser passer prioritairement les camions de Naftal, soit on vous oblige à vous approvisionner dans des points de remplissage très éloignés”, explique M. Ziani. Sur un autre plan, des pressions sont, d'après certains opérateurs, exercées sur eux dans le but de les amener à jeter l'éponge à tel point que cela s'est répercuté sur leur santé, à l'image de M. Nfitsa, DG de Ouest Gaz. En effet, malgré le certificat de conformité qui a été délivré à son entreprise par les autorités compétentes de la wilaya, une notification de fermeture provisoire lui a été adressée. C'est donc pour sauver et sauvegarder ces investissements et le lot d'emplois qu'ils ont générés que les opérateurs privés lancent ce cri de détresse et de colère en même temps. Hamid Saïdani