Trois ans après les douloureux événements du Printemps noir, le président de la République/personname / tentera de rallier la région à son projet et devra, dans le même temps, faire des gestes politiques forts pour convaincre. Il sera particulièrement attendu sur la question de l'officialisation de tamazight. Si une minorité citoyenne manifeste une certaine indifférence qui résulte très souvent d'un énorme marasme politique, il n'en demeure pas moins que, dans la plupart des cas, l'enthousiasme des uns contraste inévitablement avec la réticence des autres. Avec la grande toilette qui a donné un tout autre visage à la ville de Tizi Ouzou, de nombreux citoyens n'hésitent pas à affirmer — avec beaucoup d'ironie — que “Bouteflika devrait venir régulièrement à Tizi Ouzou pour “relooker” la ville”, alors que d'autres citoyens attendent beaucoup de cette visite du chef de l'état, en matière de projets socioéconomiques et de décisions salutaires pour la relance économique de la région et l'officialisation effective de tamazight. “La Kabylie a traversé de graves zones de turbulence et la région a accusé un retard considérable depuis quelques années. Il est temps de trouver une sortie de crise, et j'espère que cette visite de Bouteflika apportera du concret aux doléances de la population en matière d'emploi, de santé, d'éducation, de travaux publics et de pouvoir d'achat”, nous dira un postier du centre-ville de Tizi Ouzou. De leur côté, les commerçants attendent beaucoup de cette visite du chef de l'état. “Les commerçants de Kabylie ont souffert le martyre ces dernières années, et nous attendons encore les mesures de défiscalisation déjà promises tout comme l'état doit lutter contre le commerce informel qui a pris de l'ampleur en Kabylie”, précisera un commerçant de la Nouvelle-Ville. “Au lieu de se contenter de son itinéraire officiel, Bouteflika devrait nous rendre visite à nous les sinistrés de la piscine olympique qui vivons encore sous les tentes depuis le séisme de 2003”, clame une mère de famille SDF. Du côté des partis politiques, les positions sont déjà connues pour les partisans et les adversaires du projet de charte nationale proposé par Bouteflika. Au bureau RND de Tizi Ouzou, le premier responsable du parti à l'échelle de la wilaya, Tayeb Mokadem, dira sans aucun détour que “Bouteflika est le bienvenu à Tizi Ouzou. D'ailleurs, cela fait bien longtemps que le RND a été le premier parti politique à souhaiter la visite du président de la République et à suggérer même que le projet de réconciliation nationale soit lancé symboliquement depuis l'ex-wilaya 3 historique”, ajoutera le représentant du RND à Tizi Ouzou. En revanche, au bureau régional du RCD, l'heure est à la mobilisation générale pour protester contre la visite de Bouteflika à Tizi Ouzou. Par le biais d'une déclaration virulente, le bureau-RCD de Tizi Ouzou qualifie cette visite d'“opération de normalisation entamée de longue date” et regrette que “le pardon attendu par la population à la suite de l'exécution de 120 jeunes ne soit toujours pas venu”, alors que “les tentations, qui ont permis d'acheter le silence de certains parents, ne feront pas oublier un crime d'état”. Pour sa part, aucune déclaration n'a été rendue publique par le FFS à propos de la visite de Bouteflika à Tizi Ouzou, mais le premier secrétaire fédéral du FFS à Tizi Ouzou, Rabah Brahimi, nous a affirmé que “personne n'a le droit de refuser au chef de l'état de se rendre dans une région du pays ou dans une wilaya, mais nous dénonçons énergiquement ce qui s'est fait ces derniers jours à Tizi Ouzou où l'on a mobilisé des moyens colossaux pour donner à la ville une tout autre image qui n'est pas la sienne en temps normal. C'est malheureux qu'on revienne aux pratiques des années 70 où l'on forçait, voire même menaçait les gens pour déserter les lieux de travail et assister de force aux meetings”, dira encore le représentant du FFS à Tizi Ouzou. Si les militants du MDS, eux, ont placardé à travers les murs du centre-ville des affiches appelant au boycott du projet de charte nationale, ceux du Parti des travailleurs estiment que “la Kabylie doit retrouver sa sérénité et bénéficier, notamment, d'une véritable relance économique au service de la région et de ses milliers de travailleurs”. Du côté du FLN, c'est sans surprise que l'on pavoise, depuis un bon bout de temps déjà. Un militant FLN, accosté dans l'enceinte de la maison de la culture Mouloud-Mammeri, dira que “Abdelaziz Bouteflika est le Président de tous les Algériens et, à ce titre, nous l'accueillerons à bras ouverts, surtout que nous attendons beaucoup de sa visite pour inaugurer une ère nouvelle dans la région et redonner espoir à toute une population”. Enfin, le porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, a tenu à protester énergiquement contre la venue de Bouteflika à Tizi Ouzou. “Cette visite est une énième provocation, car j'estime que le Président aurait dû demander pardon à toute la Kabylie avant de venir dans la région. Malheureusement, il ne l'a pas fait et nous estimons qu'il vient, une fois de plus, en conquérant et non en tant que président de la République”, précisera Ferhat Mehenni M. HOCINE