La filière des voyages demeure en attente d'un plan de sauvetage promis par l'Etat et dont la concrétisation tarde à venir. En arrêt d'activité depuis plusieurs mois à cause de la pandémie de coronavirus, les agences de voyages et de tourisme (ATV) n'arrivent pas à rebondir, malgré la décision de les autoriser à reprendre du service. "Que signifie reprendre du service alors que les hôtels ainsi que les frontières étaient fermés et que même le déplacement entre wilayas était difficile ? Et si aujourd'hui, les hôtels peuvent recevoir des clients, il n'en demeure pas moins difficile de reprendre le cours normal des choses", se sont plaints de nombreux voyagistes qui s'estiment "lésés", voire "méprisés" par les pouvoirs publics. "Ils nous ont promis des aides, mais jusqu'à présent, nous n'avons rien vu venir. Nous sommes à l'abandon", nous a déclaré, hier, Bachir Djeribi, président du Syndicat national des agences de voyages (Snav), qui assure que "la situation devient intenable". "Il faut une intervention urgente des pouvoirs publics pour atténuer, un tant soit peu, ce sinistre causé par la Covid-19", rappelle M. Djeribi. Un état de fait partagé par les voyagistes dont beaucoup n'arrivent même plus à assurer le salaire de leurs employés. "Nous avons beaucoup de charges en plus des salaires, alors que nous n'avons pas fait rentrer un seul centime depuis mars dernier. Il est vrai que nous avons puisé dans nos économies, mais c'est loin d'être évident, surtout que ça dure dans le temps et que nous ne disposons d'aucune visibilité quant à une éventuelle reprise imminente de l'activité", nous a indiqué Sofiane Benali, patron de l'agence SOS Travel d'Hydra. Il explique : "Malgré toutes les promesses, l'aide n'arrive toujours pas. C'est une question de survie, mais c'est également une question de dignité. Nous sommes un maillon important dans la chaîne touristique et nous méritons une place respectable en tant que partenaire incontournable qui contribue fortement à la relance de notre économie." Compenser avec le tourisme local : les conditions ne sont pas réunies C'est, en effet, une faillite assurée pour les 3 600 agences de voyages en mal de reprendre l'activité, et ce, malgré les promesses de l'Etat de leur venir en aide après avoir reconnu officiellement, en juillet dernier, "la détresse des voyagistes et hôteliers". Les agences de voyages emploient au minimum 25 000 agents dont elles ne peuvent plus assurer les salaires. En outre, les voyagistes n'ont, d'ailleurs, pas assez d'argent pour faire tourner leur agence. La situation n'est guère meilleure pour les hôteliers privés qui continuent à enregistrer des pertes considérables. "Les hôtels — hormis ceux du balnéaire — continuent à perdre de l'argent. Les établissements en bord de mer affichent complet depuis leur réouverture, ces derniers jours, mais ils n'auront jamais le temps de rattraper le déficit, d'autant plus que même le climat commence à faire des siennes", a souligné un hôtelier. Les voyagistes, quant à eux, font ressortir "le manque d'infrastructures" qui, à leur avis, "va à l'encontre des discours euphoriques" de certains responsables du secteur du tourisme qui semblent "ignorer ou feignent d'ignorer la réalité du terrain". Pour Ali Yahi, patron de l'agence Bicha Voyages de Bab El-Oued, "l'heure est grave". Notre interlocuteur réclame "la réouverture de frontières" qui, selon lui, est "le seul moyen d'arrêter la saignée". Il explique : "Appeler à faire du tourisme local, alors que les conditions ne sont pas réunies, c'est peine perdue. Nous avons essayé de le faire, et nous ne récoltons que des miettes. Beaucoup d'agences, qui étaient en partenariat avec Bicha Voyages, ont fermé boutique et beaucoup d'autres ont retiré le million de caution déposé au niveau d'Air Algérie pour la billetterie. C'est une catastrophe." Même topo du côté de Béjaïa auprès de Gouraya Tours. Son patron Hemza Baba Aïssa ne comprend pas "comment l'Etat peut laisser les agences de voyages livrées à elles-mêmes, sans aucune aide" et assure que "les banques n'ont toujours pas été instruites pour faciliter l'octroi de crédits d'exploitation. Il n'y a aucune aide d'ailleurs et nous continuons à payer nos taxes le plus normalement du monde, alors qu'il n'y a aucune activité".