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"IL FAUT DECENTRALISER,RESPONSABILISER ET VALORISER"
Pr Abdelhamid Aberkane, ancien ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière
Publié dans Liberté le 02 - 09 - 2020

Ancien ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière entre 2001 et 2003 et ex-président du conseil exécutif de l'OMS de 1991 à 1998, le Pr Aberkane revient dans cet entretien sur les limites et les dérives du système des soins. Il explique aussi les raisons de la dégradation du bien-être social et sanitaire.
Liberté : De quoi le système national de santé est-il malade ?
Pr Abdelhamid Aberkane : Le diagnostic d'un "système" quel qu'il soit (de santé, éducatif, économique, politique) ne me paraît pas pouvoir être résumé en quelques phrases ou en quelques paragraphes.
De plus c'est aussi, nécessairement, moins un diagnostic théorique que l'analyse des pratiques et des capacités de mise en œuvre sérieusement, sur le terrain, des meilleurs standards internationaux, qu'ils soient cubains ou norvégiens.
Pour faire court, sa "maladie" est, à mon avis, d'être devenus incapables d'exploiter et de mieux valoriser les acquis d'un demi-siècle de développement humain et matériel dans les secteurs des soins public et privé, civil et militaire. Par conséquent, c'est de parvenir à mieux gérer nos capacités, et ce, en ayant la volonté de continuer à former, sécuriser et préserver nos ressources humaines.
Comment doit-on réformer la santé en Algérie, faut-il faire table rase ou bien cibler certains aspects du système avant d'autres ?
Faire table rase du potentiel formidable dont je viens d'énumérer qu'il fallait mieux le valoriser ? Non, il faut changer les méthodes de valorisation (de toutes sortes et dans tous les secteurs concernés). Il faut décentraliser et responsabiliser et donner une place de choix à la gouvernance centrale, gouvernementale, pour les grandes orientations stratégiques : l'équité territoriale, le financement et l'intersectorialité.
Qu'est-ce que vous pensez de la nouvelle loi sanitaire adoptée en 2018 ?
La loi en question a été discutée et finalisée il y a 17 ans, puis elle a été votée en 2018. Je crois qu'elle ne prend pas en compte les réalités actuelles et qu'elle gagnerait à être amendée. En attendant, de nombreuses décisions peuvent être prises pour mieux utiliser les dispositions qui peuvent aller dans le sens de l'équité, de l'efficacité et de la performance du système de santé.
Les réformes finalisées et proposées il y a plus de 18 ans ne seraient-elles pas un peu dépassées aujourd'hui ?
Je ne le pense pas. Il faut plutôt commencer par mettre en œuvre le maximum de mesures qui sont toujours très pertinentes et débattre des amendements nécessaires. Mais le faire le plus rapidement possible, car des retards supplémentaires entraîneraient des dégâts humains considérables, même s'ils ne sont pas aussi médiatiques que ceux de la crise actuelle. Il s'agit de remettre de la confiance et du respect et pourquoi pas de la fierté des Algériens pour leur système de santé.
Ne pensez-vous pas que le retard de près de 20 ans qu'accuse le chantier de la réforme hospitalière est lié à l'absence d'une réelle volonté politique ?
En effet, il faut rappeler d'abord que notre système de santé a toujours souffert de l'absence de volonté politique. La volonté de commencer à traiter les nombreuses insuffisances et défaillances du système en question. Alors que les défaillances du système ont été longuement et minutieusement détaillées dans de nombreuses analyses. Ces défaillances sont bien connues de tous ceux qui ont été, d'une façon ou d'une autre, en charge de son fonctionnement.
Les réclamations récurrentes de la population et des professionnels de la santé montrent bien l'étendue des dysfonctionnements. Par quelque bout qu'on le prenne – en partant de la promotion et de la prévention avec l'organisation citoyenne et sociale de la santé en tant que valeur-phare du développement humain, jusqu'à la fourniture de soins modernes et efficaces –, le système est dans un triste état.
Vous dites bien que ces défaillances sont connues de tous. Comment ?
L'énumération détaillée des failles du système est longuement documentée et étayée. Et ma réponse peut être résumée comme suit : les décideurs ne voient pas la nécessité absolue d'apporter des réponses rapides.
Les marqueurs essentiels de la santé tels la baisse de la mortalité infantile – avec son corollaire l'allongement de l'espérance de vie –, et des décennies d'avancées socioéconomiques avec les progrès en matière d'eau et d'assainissement, de logement, de marché du travail, ont conforté les décideurs dans l'idée que "tout n'était pas si mauvais en matière de santé".
Face à ces défaillances, on a mis des dispositifs efficaces qui cachent l'injustice du système des soins ?
Effectivement, il y avait une sorte d'assoupissement politique qui est devenu, au fil des ans et des coups de semonce, un aveuglement de "classe" politique et sociale. En fait, les "grands décideurs" ne voient pas l'urgence de bouleverser l'ordre des choses parce qu'ils ont mis en place des dispositifs efficaces qui voilent l'iniquité du système.
Les conditions socioéconomiques de la santé sont évidemment encore plus favorables pour eux qui vivent essentiellement et majoritairement dans la capitale et les grandes villes du Nord. Les CHU des services de l'armée sont nombreux et modernes, les prises en charge médicales à l'étranger sont discrétionnaires, les grandes sociétés nationales relevant du secteur de l'énergie ont leurs propres circuits.
La perception de la dégradation du bien-être social et sanitaire est d'autant plus faussée que des pans entiers de notre société ont développé une espèce de filet de sécurité et d'immunité contre ces menaces sanitaires.
Votre passage à la tête du département de la Santé a été marquée par la finalisation des propositions devant assurer le démarrage des réformes. Depuis rien n'a été fait ?
Le ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière avait achevé en 2003 un gigantesque travail d'évaluation et de prospective qui devait conduire à consolider les acquis et à lancer les réformes nécessaires. Je dis que ce travail a été "achevé" parce qu'il avait été puissamment argumenté et soutenu par le travail d'autres équipes ministérielles, comme celles du Pr Guidoum et du Pr Abdelmoumène.
Mais on peut en retrouver aussi les prémices dans le programme du gouvernement de Mouloud Hamrouche. Par souci de pragmatisme, j'ai, en 2002, voulu mettre l'accent sur la sauvegarde du secteur public comme le pilier de l'offre de soins aux grandes masses de la population et comme le garant d'une formation de qualité pour les professionnels de la santé. En fait, le facteur humain est l'essentiel de toute politique.
Est-ce que vos réformes ont été suivies d'un projet d'une nouvelle loi sanitaire ?
En fait, tout un programme complet de mise à niveau de la loi sur la santé et de la réforme hospitalière a été étudié et arrêté après un large débat conduit par des commissions composées de compétences nationales. Des compétences qui étaient parfaitement au courant des enjeux et des problématiques internationales. Ces commissions ont été coordonnées par les Pr Messaoud Zitouni, Jean-Paul Grangaud, Pierre Chaulet... La liste est longue.
Après la conclusion des travaux, la question du financement de ce programme n'a hélas pas été arbitrée favorablement par le gouvernement et les hautes autorités de l'époque ! Des "arbitrages" contraires ont même été rendus par ailleurs en donnant raison à une gestion calamiteuse des fonds de la sécurité sociale (qui devait plus tard être mise en lumière par l'affaire Khalifa).
Pourquoi avez-vous démissionné du gouvernement en 2003 ?
En réalité, il a été déclaré à la suite d'échauffourées à la sortie d'un match de football que toute la réforme était inopportune... J'ai donc démissionné en 2003 du gouvernement et le projet de loi de santé a été gelé jusqu'en 2018 (15 ans !). La loi sanitaire de 2018 a été expurgée de dispositions essentielles comme la régionalisation et la mutualisation des projets, le Conseil national de la santé... Entre-temps, des ordonnances présidentielles ont été prises pour démanteler les secteurs sanitaires et casser du coup la continuité du secteur public pour sa mission de prévention et de soins de base.
Evidemment, la "majorité parlementaire" de l'époque avait applaudi à ces contorsions, vertueusement présentées comme la volonté de libérer la prévention du poids d'un secteur curatif qui était en réalité abandonné à son sort, avec un financement de plus en plus insuffisant pour les maladies chroniques (le cancer et l'insuffisance rénale en tête), et l'idée naïve que le secteur privé assurerait cette "réforme" sans dégâts immenses pour l'équité et pour la sécurité des citoyens et de la nation.
Les ordonnances présidentielles promulguées après votre départ du gouvernement visaient à permettre au secteur privé de prendre le dessus ?
En effet, le secteur privé s'est effectivement très puissamment développé en devenant le recours obligé des patients et de leurs familles, attestant du nombre et de la qualité des personnels formés par les facultés et les CHU et aussi des ressources financières importantes qui existent en Algérie.
Ce développement du secteur privé, par ailleurs nécessaire, n'a pas été accompagné par des mesures et des choix politiques permettant aux couches les moins favorisées par le destin de se prendre en charge sans tomber dans la pauvreté extrême ou relative.
La crise pandémique de coronavirus a mis à nu le vrai visage de notre système national de soins ?
La pandémie est une épreuve terrible et inédite pour notre société et notre système de soins. C'est surtout son caractère national, massif et durable qui pose problème. Car nous avons eu des tremblements de terre ou des inondations catastrophiques ou des tueries massives, et les structures de soins ont toujours répondu efficacement et dignement.
Le fait nouveau n'est donc pas dans nos capacités en lits (globalement le taux moyen d'occupation des lits ne dépasse pas 40% et il y a donc bien une "réserve fonctionnelle" qui peut être doublée pour des périodes exceptionnelles), mais en lits de soins intensifs fonctionnels avec une réactivité des gestionnaires compétents et courageux et une optimisation des ressources humaines et matérielles au niveau régional (secteurs public et privé, "région sanitaire", indemnités de performance, maintenance...).

Propos recueillis par : HANAFI H.


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