L'enceinte de la Maison de la presse Tahar-Djaout a abrité, hier, un nouveau rassemblement de soutien au journaliste Khaled Drareni et à ses deux coprévenus Samir Belarbi et Slimane Hamitouche. Dans l'esprit des manifestants — des gens de la corporation, des avocats, des étudiants et des militants politiques et des droits humains — se dessine la perspective de l'accueillir, le lendemain devant le centre pénitentiaire, à sa libération. Et pour cause, le prononcé du verdict du journaliste et des deux militants est prévu pour aujourd'hui. "La condamnation de Khaled Drareni à une peine de trois ans de prison est absurde et totalement incompréhensible. Je souhaite qu'il soit libéré demain (aujourd'hui ndlr) et qu'il soit réhabilité, ainsi que tous les détenus d'opinion", prévoit Omar Belhouchet, ancien directeur de publication d'El-Watan. Il fonde ses espoirs, sur un dénouement de cette affaire, de la forte mobilisation observée intra et extra-muros du pays. Une banderole géante est déroulée à l'entame du sit-in. Elle résume, dans la transcription de ses slogans, l'élan de solidarité avec le correspondant de TV5Monde et fondateur du site électronique Casbah-Tribune. "Libérez Khaled Drareni" ; "Khaled Drareni est un journaliste libre"... Un groupe d'étudiants, motivés, ont adapté, pour la circonstance, un couplet d'un chant engagé des marches des vendredis du Hirak. "Il n'y a pas de presse, il n'y a pas de justice. Le magistrat est enchaîné, le journaliste est bâillonné. Nous sommes venus aujourd'hui réclamer la justice. Wallah nous n'abdiquerons pas", clamaient-ils à tue-tête, repris par des militants. "C'est important de rester mobilisés pour Khaled Drareni, pour sa famille et tous les détenus d'opinion. C'est aussi important de montrer aux autorités judiciaires et politiques que nous ne sommes pas près de lâcher", a asséné Mohamed Hakim Addad, membre fondateur du RAJ. Sa prévision sur l'issue du procès ? "J'ai appris à ne plus faire de pronostic car les procès ne répondent pas à la logique de la justice", nous a-t-il répondu franchement. Me Aouicha Bekhti, membre du collectif de défense, est catégorique : "Je n'envisage pas d'autre verdict que la libération. J'ai rendu visite à Khaled ce matin à la prison. Il est plein d'optimisme et remercie tous ceux qui lui ont apporté leur soutien." Me Zoubida Assoul est plus circonspecte : "Si l'on applique la loi et si on prend en compte le contenu du dossier, le juge prononcera la relaxe pour les trois prévenus. Le cas échéant, il nous restera le pourvoi en cassation". Elle a estimé, néanmoins, que le pouvoir a perdu la marge de manœuvre face à la mobilisation nationale et internationale. "Il aura plus à perdre s'il s'entête à sanctionner Khaled Drareni en le maintenant en prison. À cause de la détention de journalistes et d'activistes, l'Algérie a été déclassée à la 146e place en matière de respect des droits de l'Homme et des libertés", a-t-elle rappelé. Plusieurs ONG, dont Amnesty Internationale, ont déposé, auprès de la commission des droits de l'Homme de l'ONU une requête sur le cas Drareni. Toutefois, aucune information n'a été, néanmoins, rendue publique à ce propos. Pour Hassina Oussedik, directrice de la section locale d'Amnesty International, le black-out est tout-à-fait normal. "Les procédures des Nations unies ne sont pas forcément publiques. Dès qu'il y a saisine sur une violation des droits de l'Homme, il est systématiquement demandé, à l'Etat concerné, une explication sur le cas", a-t-elle précisé. "Le problème réside dans le fait que des journalistes et des activistes sont jugés sur la base d'accusations trop vagues et ambiguës (atteinte à l'unité nationale ou atteinte à la sécurité nationale, ndlr) et donc sources de violation des droits de l'Homme. Il est impératif que Khaled Drareni et les autres détenus d'opinion soient libérés. Le régime doit comprendre qu'il est normal que les politiques publiques soient critiquées par de simples citoyens et doit accepter le débat contradictoire", a-t-elle soutenu. Pour Me Nourredine Benissad, président de la Laddh, "la détention de Khaled Drareni est un affront aux droits de l'Homme. La ligue appelle à sa libération immédiate, ainsi qu'à celle de tous les détenus d'opinion et à la cessation d'arrestations et de poursuites de personnes n'ayant fait qu'exprimer une opinion". Le rassemblement a pris fin vers 13h15. RDV est pris pour ce matin devant la Cour d'Alger pour entendre un verdict, que les soutiens du journaliste, souhaitent être à la hauteur de leurs attentes.