Le secrétaire particulier d'Abdelaziz Bouteflika, Mohamed Rougab, qui comparaissait en tant que témoin, reconnaît avoir introduit en 2004, "Mme Maya" sur instruction de l'ex-chef de l'Etat. Le procureur de la République du tribunal de Chéraga a requis jeudi, au deuxième jour du procès dit de "Mme Maya", des peines entre 10 et 15 ans de prison contre les principaux accusés dans l'affaire. Ainsi, 15 ans de prison ferme assortie d'une amende de 6 millions de dinars ont été requis contre Nachinache Zoulikha Chafika, surnommée Mme Maya. Le représentant du ministère public a réclamé la même peine couplée à une amende d'un million de dinars à l'encontre de Mohamed Ghazi et d'Abdelghani Zaâlane qui comparaissaient respectivement en qualité d'anciens walis de Chlef et d'Oran. 12 ans de prison et un million de dinars d'amende ont été également requis contre l'ancien directeur général de la Sûreté nationale Abdeghani Hamel. Les deux filles de "Mme Maya", Imane et Farah, non détenues, risquent, quant à elles, 10 ans de prison avec mandat de dépôt à l'énoncé du verdict. Alors que des peines oscillant entre 5 et 10 ans de prison ont été réclamées par le parquet contre les cinq autres accusés dont Chafik, fils de Mohamed Ghazi, et l'ancien député Omar Yahiaoui. Auparavant, l'audience a été consacrée à l'audition des prévenus et des témoins. Soutenu par des agents de l'établissement pénitentiaire d'El-Harrach, Mohamed Ghazi se rapproche de la barre en titubant. Il est soudain pris d'un malaise et évacué de la salle. Après une suspension de la séance, durant laquelle il a été examiné par un médecin, il se présente à nouveau devant le juge, malgré la protestation de sa défense qui réclamait plutôt une évaluation psychiatrique. Assis sur une chaise, Mohamed Ghazi se montre très coopératif. Il reconnaît avoir reçu Mme Maya qui a, selon ses dires, "créé grâce à ses projets beaucoup de postes d'emploi". Et de poursuivre : "Elle m'a été présentée en tant que membre de la famille du président et c'est sur cette base qu'elle a bénéficié d'un lot de terrain sur lequel elle comptait réaliser un parc d'attractions quand j'étais wali de Chlef." Mohamed Rougab, secrétaire particulier d'Abdelaziz Bouteflika, qui comparaissait en tant que temoin, reconnaît avoir introduit, en 2004, Mme Maya auprès de Mohamed Ghazi sur instruction de l'ex-chef de l'Etat. "Bouteflika m'a demandé de lui prendre rendez-vous avec le wali de Chlef. Je l'ai reçue à la Présidence une seule fois. Je la connaissais sous son vrai nom Nachinache Zoulikha Chafika. Son surnom ‘Mme Maya', je l'ai appris plus tard par voie de presse." À son tour, Abdelghani Hamel passe aux aveux : "Mohamed Ghazi m'a teléphoné pour me dire que la fille du président voulait me rencontrer. Je l'ai vue une première fois au domicile de Ghazi, on a mangé ensemble et une deuxième fois lorsque sa maison a été cambriolée. Elle m'a demandé de lui placer des caméras de surveillance. La facture, c'est elle qui l'a payée. Je n'ai jamais mobilisé une équipe pour assurer sa protection, ni pour dresser ses chiens." Version contredite par des cadres de la police qui ont certifié au président de l'audience que "les caméras de surveillance ont bien été installées par des élements de la direction des moyens techniques de la DGSN". Abdelghani Zaâlane a soutenu, quant à lui, que "la première fois qu'il a vu Mme Maya, c'était au tribunal". Il raconte : "J'étais déjà en poste depuis quatre ans en tant que wali d'Oran, lorsque Mohamed Ghazi m'a appellé. Il m'a dit que le président de la République et son frère allaient m'envoyer des membres de leur famille pour m'occuper d'eux sans me préciser ce que je devais faire exactement. Après quelques jours, j'ai reçu un nommé Abdelghani Belaïd et Benaïcha. Ils voulaient obtenir des contrats d'exploitation de chambres froides dans la zone industrielle. J'ai tout de suite noté une certaine audace de la part de Belaïd." Ce qui l'a poussé à contacter directement l'ancien conseiller de la Présidence. Saïd Bouteflika dément avoir donné des instructions pour la prise en charge de ces dossiers. "Saïd Bouteflika m'a dit que c'est Mme Maya qui les avait recommandés à Ghazi. Elle ne fait pas partie de ma famille", rapporte Abdelghani Zaâlane, qui affirme qu'une fois le combiné posé, il s'est dépêché d'annuler la décision d'octroi des projets qu'il avait signée le 5 janvier 2017. "Je me suis senti berné", confie au juge l'ex-wali d'Oran et ancien ministre des Travaux publics et des Transports.