Le think tank Care rappelle que le procédé a déjà été expérimenté en 1994 et ses résultats sur la trésorerie des entreprises ont été catastrophiques. Le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care) a mis en garde quant à la contrainte imposant aux entreprises de payer leurs intrants importés à crédit, contenue dans l'avant-projet de loi de finances 2021. En effet, l'article 112 de l'APLF 2021 stipule qu'" en dehors des opérations d'importation portant sur les produits stratégiques ; les produits alimentaires de large consommation ; les produits ayant le caractère d'urgence pour l'économie nationale ; les produits importés par les institutions ou administrations de l'Etat ; produits importés par les entreprises publiques économiques", le paiement des opérations d'importation s'effectue au moyen d'un instrument de paiement dit "à terme" payable à trente (30) jours à compter de la date d'expédition des marchandises. Le ministre chargé des Finances "précisera, en tant que de besoin, les modalités d'application des dispositions du présent article".L'exposé des motifs précise que l'objectif recherché est de donner le temps aux douaniers de faire des vérifications avant le paiement effectif de l'importation. Dans un communiqué rendu public, hier, Care a indiqué que cette disposition, qui consiste à contraindre les entreprises à importer leurs intrants à crédit en devises dans le contexte de dévaluation du dinar qui s'annonce inéluctable, avait déjà été prise en 1994. "Des entreprises avaient alors été contraintes d'importer leurs intrants à crédit alors qu'elles souhaitaient payer leurs achats en devises sans recours à un quelconque crédit. On leur a fait subir, contre leur volonté, un risque de change. Lorsqu'advint la dévaluation, elles se sont retrouvées avec des dettes quasiment doublées." Au final, "beaucoup de nos entreprises productrices de l'époque n'y ont pas survécu. D'autres sont restées avec des bilans plombés de dettes gonflées d'agios et intérêts de retards qu'elles subissent encore, 26 années plus tard". Pour Care, l'objectif annoncé dans l'exposé des motifs ne peut être sérieusement poursuivi, ajoutant qu'utiliser le terme de 30 jours d'un paiement par crédit ou remise documentaire pour permettre aux douanes de faire des vérifications et éventuellement bloquer le transfert de fonds au terme des 30 jours n'est pas réalisable. "Une lettre de crédit est un engagement non du client, mais de la banque, envers les banques correspondantes à l'international. De tels engagements ne peuvent être rompus sans altérer sérieusement la signature de nos banques." Une telle situation "aura des conséquences sur notre capacité à transiger avec l'étranger et sur le coût de telles transactions", a souligné le communiqué. Par ailleurs, les exceptions édictées par l'article créeraient des discriminations contraires à l'intérêt de notre économie. "Chacun sait, en effet, que les lois et règlements en vigueur à ce jour ne donnent nulle part de définition précise de cette notion de produit stratégique ou de produit ayant un caractère d'urgence pour l'économie nationale. Dans de telles conditions, les marges d'interprétation étendues que cela laissera aux administrations exposeront inévitablement aux risques de passe-droits et de favoritisme que les autorités dénoncent fortement par ailleurs", estime le think tank dans son communiqué. Si la réelle motivation est de différer le paiement des importations, et ainsi obtenir un financement de la balance des paiements de quelques milliards de dollars (un mois d'importations), Care a estimé que ce n'est pas la meilleure méthode. "Cet emprunt extérieur qui ne dit pas son nom coûterait beaucoup plus cher qu'un simple emprunt extérieur souverain", souligne le think tank.