Des chiffres qui donnent le tournis.De colossaux prêts bancaires ont été accordés à l'homme d'affaires sous le règne de Bouteflika, pour des projets qui n'ont jamais abouti. "Je n'arrive pas à lire le chiffre tellement il est long. Je ne sais plus s'il est en dinars ou en centimes. Le montant est énorme. C'est effarant !" C'est par ces mots que le juge de la Cour d'Alger a ouvert les auditions de jeudi, dans le procès en appel de l'ancien homme d'affaires Ali Haddad, condamné en première instance, par le tribunal de Sidi M'hamed, à une peine de 18 ans de prison ferme assortie d'une amende de 8 millions de dinars. Le chiffre que le juge a eu du mal à lire correspond en fait au montant des crédits et prêts bancaires dont a bénéficié le sulfureux ancien patron du FCE qui comparaît en visioconférence, depuis la prison de Tazoult, à Batna, où il a été transféré le 12 août dernier. Pas moins de 18 milliards de dollars ont été accordés sous forme de crédits d'investissement par les différentes banques du pays à l'ancien patron du groupe ETRHB, ces 20 dernières années. Interrogé sur ces sommes qui donnent le tournis, Ali Haddad, s'il a bien confirmé le montant, a nié avoir été avantagé en quoi que ce soit, déclarant avoir toujours agi en toute légalité. "J'ai, en effet, bénéficié de crédits ces 20 dernières années. Cela correspond à 211 000 milliards de centimes, soit 18 milliards de dollars, selon mon calcul", a-t-il affirmé, avant d'ajouter en s'adressant au juge : "Mais monsieur le président, tout a été fait dans le cadre de la loi." Haddad provoquera même le rire de l'assistance lorsqu'il explique que ces crédits "représentaient peu comparativement au nombre de projets et crédits bancaires dans le pays durant cette période". Il a déclaré, en outre, que cet argent avait été retiré à travers 452 prêts au cours de la période 2000-2015. Rien qu'à travers la Banque de développement local (BDL) d'Azazga, à Tizi Ouzou, Ali Haddad a bénéficié de plusieurs crédits dont le montant avoisine les 1 700 milliards de dinars. "C'est un prêt qui a servi au projet des cimenteries de Relizane et de Djelfa", a-t-il affirmé, soulignant que son groupe n'avait aucunement monopolisé les marchés publics. Interrogé, par ailleurs, sur les 75 milliards de centimes collectés pour le financement de la campagne électorale, pour un cinquième mandat de l'ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika, Haddad a rejeté cette accusation, affirmant n'avoir jamais financé de campagne électorale. "Je me suis toujours tenu loin des affaires politiques", a-t-il dit. Il a, toutefois, reconnu avoir "un seul compte bancaire auprès de Société Générale en France et seulement un appartement dans le même pays". L'ex-parton du FCE a également reconnu avoir acheté en 2011 un hôtel en Espagne pour un montant de 54 millions d'euros. "Pourtant, rappelle le juge, le transfert d'argent est illégal." "Je ne le savais pas, monsieur le président", répond alors Ali Haddad qui s'est expliqué également, dans l'après-midi, sur les différents terrains dont il a bénéficié à travers le pays. Sur les 50 000 hectares que l'Etat lui a concédés à Brezina, dans la wilaya d'El-Bayadh, pour un mégaprojet algéro-américain d'élevage de vaches laitières et de production céréalière et fourragère, Ali Haddad a expliqué que tout était en conformité avec la loi jusqu'à ce "qu'on découvre que les terrains n'étaient pas viables pour ce genre d'exploitation et de projet", a-t-il déclaré, ajoutant avoir introduit une demande aux autorités concernées pour "qu'on nous donne d'autres terrains". "J'étais de bonne foi. Je voulais sortir l'Algérie de sa dépendance des importations dans ce secteur", a-t-il encore soutenu, en précisant avoir même perdu 40 millions de dinars dans ce projet rien qu'avec les bureaux d'études, mais "vous savez, c'est le risque du métier d'investisseur. J'assume donc complètement ces pertes", tente de nuancer Ali Haddad, non sans provoquer l'hilarité de l'assistance. Le réquisitoire du procureur général près la Cour d'Alger dans l'affaire Ali Haddad est attendu pour demain.