Au juge qui avançait le chiffre de quelque 211 000 milliards de centimes de crédits dont a bénéficié son groupe, Ali Haddad a contesté les montants contenus dans le dossier qu'il a jugé "fantaisistes". C'est hier que le procès d'Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, s'est ouvert au tribunal Sidi M'hamed d'Alger, amenant, notamment à la barre deux anciens Premiers ministres, des ministres et des walis qui ont servi sous Abdelaziz Bouteflika. C'est d'une certaine façon le procès du système Bouteflika et de sa calamiteuse gouvernance qui s'est invité hier au tribunal. Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, les deux ex-Premiers-ministres, Youcef Yousfi, Amara Benyounès et Mahdjoub Bedda, ex-ministres de l'Industrie et des Mines, Boudjemaâ Talaï et Amar Ghoul, anciens ministres des Travaux publics étaient là. Mohamed Hattab, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports a été convoqué comme témoin. Parmi les frères d'Ali Haddad, seul Rebouh est actuellement en détention, les autres sont convoqués comme témoins dans le cadre de la même affaire. Les témoignages de plusieurs autres personnes sont également attendus durant le procès. Hormis Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal et Youcef Yousfi qui ont été jugés dans plusieurs autres dossiers, notamment ceux en relation avec le montage automobile, d'autres anciens responsables, comme Amar Ghoul, Amara Benyounès et Boudjemaâ Talaï seront jugés dans le cadre de la seule affaire comme prévenus. À noter qu'Abdesselam Bouchouareb, accusé dans cette affaire, est toujours en fuite à l'étranger. Seul Abdelghani Zaâlane, ancien ministre des Transports, également en détention, s'est absenté pour cause, dit-on d'une intervention chirurgicale qu'il aurait subie ces derniers jours. Le premier à être auditionné juste après l'ouverture du procès était le patron de l'ETRHB. D'emblée, Ali Haddad a mis en avant, pour se défendre, les "multiples réalisations" de son groupe, qui, dit-il, "n'est pas un géant aux pieds d'argile". "Des chiffres fantaisistes" Dans ses réponses aux questions du juge, notamment à propos des montants des crédits octroyés au groupe ETRHB, Ali Haddad a contesté les chiffres contenus dans le dossier qu'il a jugé "fantaisistes". "J'ai eu le tournis en lisant ces chiffres", a-t-il encore ajouté. "Ces chiffres sont faux et ceux que je détiens et ceux de l'IGF confirment mes dires", s'est encore défendu l'ex-président du Forum des chefs d'entreprise (FCE). "Nous avons eu des crédits et nous avons honoré nos engagements avec les banques qui ont financé nos projets", a ajouté le patron de l'ETRHB, avant que le juge n'avance le chiffre de quelque 211 000 milliards de centimes de crédits. Le juge précise qu'il s'agit de 15 prêts, répartis sur 187 milliards centimes du CPA et 73 000 milliards de centimes via d'autres institutions financières. Il a ajouté, à ce propos, que 9 crédits ont été remboursés, pendant que d'autres ne l'ont pas été ; pourtant les délais sont dépassés. Ali Haddad revient encore et précise que 211 000 milliards de centimes représentent quelque 18 milliards de dollars. "J'ai remboursé quelque 8 800 milliards de centimes aux banques et nos 48 projets d'investissements ont été réalisés", s'est-il défendu, avant que le juge n'évoque d'autres affaires liées au second dossier traité à la Cour suprême. Le juge évoque ainsi l'affaire du terrain de 166 hectares à Berrahal où l'ETRHB devait installer une aciérie et un autre à El-Bayadh de 55 000 hectares pour une projet dans la filière lait. "Comme je ne suis pas responsable de la gestion des zones industrielles, je ne pourrai répondre que sur notre projet, car il s'agit d'un investissement lourd qui allait faire bénéficier au pays des milliards de dollars", a dit Ali Haddad, ajoutant que le "blocage de cette usine est un gâchis, le pays doit continuer cet investissement d'une valeur de 76 milliards de dollars". Concernant la laiterie, Haddad s'est défendu en estimant que pour rentabiliser le projet installé à El-Bayadh, il fallait travailler sur deux fois les 22 000 vaches pour atteindre l'objectif tracé, à savoir l'alimentation du marché intérieur en lait sans recourir à l'importation. Interrogé, d'autre part, sur la chaîne de télévision El Istimraria, créée pour soutenir la candidature de Bouteflika en 2014, Ali Haddad a souligné qu'il n'est pas concerné, sauf par le fait que son groupe média, Temps Nouveau, a "loué du matériel à cette même chaîne". "Nous avons acheté ce matériel à 220 000 euros pour installer une station de retransmission directe des matchs du championnat de la Ligue II", a-t-il justifié avant de rappeler que concernant la campagne électorale, il a été condamné à 4 ans dans le cadre de cette affaire que la Cour d'appel a traité récemment. Le juge appelle, à ce propos, Abdelmalek Sellal pour écouter son témoignage concernant la dernière campagne électorale du 5e mandat avorté de Bouteflika.