Afin que la société se rende compte de la gravité de la situation et que ces drames ne se limitent pas à une énumération macabre de chiffres, presque chaque cas est illustré par une photo. à l'initiative de deux militantes féministes qui tentent de documenter sur leur site feminicide-dz.com, jusqu'au 10 octobre en cours, 41 féminicides ont été recensés dans le pays, contre 75 à fin 2019. Afin que la société se rende compte de la gravité de la situation et que ces drames ne se limitent pas à une énumération macabre de chiffres, presque chaque cas est illustré par une photo. L'histoire est racontée, toutefois, à travers des informations fragmentaires ramassées difficilement, conséquence de l'omerta qui entoure ces violences. "Elles avaient un nom et une vie, parfois des enfants. Nous ne voulons pas qu'elles tombent dans l'oubli, ni que leur assassinat soit un fait divers", expliquent les animatrices de ce site. Les femmes sont essentiellement victimes de leur environnement familial. Dans plus de 80% des cas, le mari assène le coup mortel. Le 9 octobre 2020, à Khenchela, une femme de 68 ans est assassinée par son mari qu'elle voulait quitter. Elle était mère de 4 enfants. Le 18 août 2020, Asma, 25 ans, enceinte de 8 mois, est égorgée par son conjoint qui lui a ouvert le ventre et tué le fœtus. Moins de quinze jours plus tôt, Warda, la quarantaine, reçoit deux balles dans la bouche tirées par son mari, un retraité de l'armée, laissant derrière elle 4 orphelins. À Guelma, le 20 juillet 2020, Ahlam, 28 ans, qui a été torturée (une oreille coupée), succombera à ses blessures. Elle était enceinte et mère de deux enfants. On peut encore citer Aïcha, 34 ans, poignardée avec un tournevis. Elle était sage-femme à Oran et mère d'un bébé de 6 mois. Cette longue liste comprend, en outre, une jeune femme égorgée en février dernier à Oran par son mari, après avoir publié ses photos sur les réseaux sociaux. Une autre, âgée de 23 ans, est frappée mortellement à Ouargla avec une cocotte-minute. Au deuxième plan, on trouve le père, le frère ou le voisin. Comme ce fut le cas pour Amira, 15 ans, étranglée avec son voile par son frère en juillet dernier ou pour une adolescente de 17 ans torturée et égorgée par son père en mai, à Tébessa, ou encore pour une deuxième Amira, 16 ans, violée et étranglée avec un sac en plastique par un voisin, le 15 août 2020 à Tipasa. La famille reste souvent muette sur les circonstances de ces tragédies. Peu de détails sont fournis sur ce phénomène qui prend de l'ampleur sans susciter d'études étoffées sur le sujet, ni de mesures urgentes pour freiner la progression de ces violences. La principale source statistique officielle est la Gendarmerie nationale qui se limite à un décompte semestriel relatif aux meurtres conjugaux et plus largement au sein de la famille sans jamais citer le terme "féminicide". Pourtant, comme l'explique la sociologue Dalila Iamarène-Djerbal, les moyens utilisés par les meurtriers renseignent sur la haine qu'ils ont pour les femmes qui sont aspergées d'essence, brûlées vives, égorgées ou poussées du haut d'un immeuble après avoir subi des viols et des tortures multiples. Ce qui implique un traitement différencié de ce genre de crimes contre les femmes, à travers une loi spécifique contre les féminicides. Il s'agit aussi d'éviter aux femmes qui s'en sortent les phénomènes de victimisation secondaires. Comme devoir déposer plainte plusieurs fois au commissariat pour que celles-ci soient prises en compte ou des délais d'audience très éloignés tout en les laissant, sans protection, dans un environnement familial violent.