Trois fois Premier ministre du Liban, Saad Hariri a été une nouvelle fois chargé jeudi de former un gouvernement appelé à engager des réformes longtemps ignorées par la classe dirigeante mais vitales pour enrayer l'effondrement économique du pays. M. Hariri, qui fait partie d'une classe politique conspuée par une grande partie de la population, avait démissionné il y a un an sous la pression d'un soulèvement populaire inédit qui protestait contre la crise économique et réclamait le départ de l'élite politique accusée de corruption et d'incompétence. Le Liban est en plein marasme économique : effondrement de la monnaie nationale, restrictions bancaires inédites, licenciements, coupes salariales et services de base en déliquescence, et la moitié de la population vit dans la pauvreté. À cela s'ajoutent la crise sanitaire et l'explosion dévastatrice du 4 août au port de Beyrouth. Après sa désignation par le président Michel Aoun, Saad Hariri, 50 ans, a promis de former "rapidement un gouvernement d'experts" qui ne seraient pas issus de partis politiques, pour lancer "des réformes économiques, financières et administratives" en accord avec "l'initiative française". "Le temps presse. Le pays est confronté à son unique et dernière chance", a lancé M. Hariri. Avant de débloquer des aides financières vitales, la communauté internationale, dont la France, veut voir le Liban adopter de véritables réformes, toujours boudées par les dirigeants. Venu à deux reprises au Liban après l'explosion au port de Beyrouth, le président français Emmanuel Macron a lancé un plan de sortie de crise, réclamant un gouvernement d'"indépendants". Mais le coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban, Jan Kubis, ne semblait pas très optimiste après la désignation de M. Hariri. "Ce sont les forces politiques traditionnelles qui encore une fois ont choisi la marche à suivre, malgré leurs nombreux échecs du passé, et le profond scepticisme quant à l'avenir." M. Hariri doit entamer vendredi des consultations avec les blocs parlementaires pour former le gouvernement. Mais dans ce pays multiconfessionnel, les politiciens sont abonnés aux marchandages interminables sur la répartition des portefeuilles, qui peuvent durer des mois. M. Hariri a obtenu l'appui de la plupart des députés sunnites et de la formation du chef druze Walid Joumblatt. Le bloc du mouvement armé pro-iranien Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise, n'a pas publiquement émis de préférence, mais son allié, le parti Amal, a soutenu la désignation de M. Hariri, laissant croire à son accord tacite.