Même s'il s'agit, a priori, d'une précaution, la décision du staff médical de la présidence de la République préconisant le confinement volontaire au chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, vient confirmer par certains égards l'ampleur prise par l'épidémie de Covid-19 qui semble connaître une inquiétante recrudescence depuis quelques semaines. Les contaminations ne touchent pas seulement de simples citoyens, des fonctionnaires du secteur de la santé ou des sportifs, mais elles concernent également les membres du gouvernement et de hauts cadres de la présidence de la République. On ignore pour l'heure leur nombre, mais il semble important si l'on se fie au communiqué de la présidence de la République évoquant "plusieurs cadres de la Présidence et du gouvernement" présentant des symptômes de contamination par le nouveau coronavirus. Cette évolution, même si elle n'était pas exclue, paraît, cependant, paradoxale : comment se fait-il qu'un Exécutif qui n'a pas cessé depuis mars dernier de multiplier les décisions et les mesures, n'hésitant pas à sanctionner des citoyens, à renouveler ses appels à la vigilance, relayés pour l'occasion par les médias, finit par enregistrer nombre de contaminés parmi ses membres ? Une situation qui suggère toute l'étendue prise par l'épidémie et que ne reflètent pas les chiffres communiqués quotidiennement par la commission scientifique. Pourtant, hormis la réouverture des écoles, ni les frontières n'ont été rouvertes ni les rassemblements, notamment à l'occasion des fêtes de mariages, circoncisions et des défilés politiques, ne sont autorisés. Très peu de mesures ont été décidées depuis la décrue constatée à la fin de l'été, comme la réouverture des commerces ou encore des mosquées pouvant répondre aux critères du protocole sanitaire. Si la baisse de vigilance, le relâchement et l'incivisme de certains citoyens peuvent expliquer la recrudescence de l'épidémie ces dernières semaines, il reste qu'un certain laxisme des autorités à l'égard, notamment, des rassemblements politiques semble avoir ouvert la voie à la propagation. Faut-il rappeler les réunions organiques du FLN et du RND en juin dernier ? Plus récemment encore, alors que le RCD s'était vu refuser une autorisation pour la tenue de son conseil national dans un hôtel pour des motifs sanitaires, d'autres partis tiennent des rassemblements sans le respect des mesures barrières, ni de distanciation, comme on a pu le voir avec ce récent meeting du RND à Constantine qui a enflammé la Toile. À se fier aux images relayées sur les réseaux sociaux, nombre de meetings tenus par les partis, essentiellement le FLN et le RND et d'autres évoluant à la périphérie du pouvoir, dans le cadre de la campagne pour le référendum sur la Constitution, ne respectent pas le protocole sanitaire. Face au tollé suscité sur la Toile, l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie) a rappelé, il y a une semaine, que l'octroi des salles et autres espaces pour abriter les rassemblements et meetings dans le cadre de la campagne référendaire sur le projet d'amendement de la Constitution du 1er novembre prochain "était soumis à une autorisation préalable délivrée par l'autorité administrative et tributaire de l'application stricte du protocole sanitaire". Un rappel de rigueur, mais loin d'être contraignant, puisque les considérations politiques, la mobilisation en faveur du référendum, semblent transcender tout le reste. Signe de ce souci : de nombreux partis sans ancrage populaire, ne disposant pas de groupes parlementaires, animent des meetings et bénéficient d'une couverture médiatique. Ce qui est en porte-à-faux avec les critères fixés par... l'Anie la veille de la campagne. Entre l'objectif politique et la lutte contre l'épidémie, il y a sans doute un choix à faire.