L'impact des ouragans Katrina et Rita sur les cours mondiaux du pétrole a amené les pays producteurs et les compagnies majors de pétrole, réunis à Johannesburg, à confirmer une fois de plus que la hausse des cours pétroliers ne réside pas autant dans la disponibilité du pétrole que dans les nécessaires investissements à consentir dans toute la chaîne en aval du secteur des hydrocarbures. Intervenant, hier, dans la session plénière consacrée aux “perspectives mondiales de pétrole”, à l'occasion de la tenue du 18e Congrès mondial du pétrole dont l'Algérie est co-hôte, le ministre saoudien du Pétrole, M. Ali Al-Nouaïmi s'est concentré sur les raisons qui sont derrière les “turbulences” que traversent actuellement les marchés mondiaux du pétrole. Pour lui, la pression, qui s'exerce aujourd'hui sur les prix du pétrole, résulte de l'“étroitesse” des infrastructures industrielles pétrolières due à une insuffisance dans les investissements et au déséquilibre entre la qualité du pétrole brut et les bases de raffinage existantes. Pour mieux expliciter sa thèse, le ministre du premier pays producteur et exportateur mondial de pétrole est même allé jusqu'à inventer un nouveau terme dans le jargon pétrolier pour dire que la crise des prix n'est pas un problème de disponibilité du pétrole, mais plutôt de “livrabilité” (deliverability) de ce dernier. Par “livrabilité du pétrole”, il faudrait entendre, a-t-il souligné, la capacité industrielle à développer, produire, transporter, raffiner et enfin livrer aux consommateurs l'énergie dont ils ont besoin. Or, les conséquences des ouragans Katrina et Rita forment des exemples facilement perceptibles de la fragilité de tout le système de “livrabilité” de l'énergie, selon lui. “Il n'y a pas de pénurie dans les ressources pétrolières”, a-t-il martelé. Selon les chiffres qu'il a avancés, les réserves mondiales en pétrole ont davantage doublé en plus de 30 ans passant de 550 milliards de barils en 1970 à 1 200 milliards de barils actuellement. Le ministre saoudien a également réfuté catégoriquement l'idée véhiculée par les médias, notamment occidentaux sur une présumée “fin de l'âge du pétrole” qui, selon lui, constitue une diversion par rapport aux vrais problèmes qui se posent à l'horizon. Pour le même intervenant, le plus gros problème est la partie aval du secteur pétrolier, en manque de flexibilité par rapport à la demande. Dans ce sens, il a cité les capacités mondiales de raffinage insuffisantes qui n'arrivent pas à suivre le rythme de la croissance de la demande en pétrole. Ce déséquilibre pourrait donc limiter les capacités de production installées. Par ailleurs, le ministre saoudien a indiqué que son pays, qui dispose actuellement d'une capacité de production de 11 millions de barils/jour, passera à une capacité d'extraction de 12,5 mbj en 2009. Intervenant à son tour pour donner son point de vue sur l'avenir de l'énergie pétrolière, le P-DG de la firme pétrolière américaine Exxon Mobil, M. Rex W. Tillerson, ne s'est pas éloigné des idées avancées par le ministre saoudien de l'énergie. Selon le patron de cette grande compagnie pétrolière, “il existe une offre abondante de pétrole”. Citant les statistiques de l'US Geological Survey, il a indiqué qu'il existait encore plus de 2 000 milliards de barils de pétrole sous les sous-sols à travers le monde représentant deux fois la quantité pétrolière produite dans l'histoire de l'humanité. évoquant les deux ouragans qui se sont abattus successivement sur les états-Unis en détruisant 40 plates-formes pétrolières, fermant deux pipelines et arrêtant 95% de la production pétrolière et gazière du golfe du Mexique, M. Tillerson a considéré que la première leçon à tirer de l'impact sur le secteur de l'énergie de ces catastrophes naturelles est que “l'énergie n'est pas seulement la clé du progrès, mais elle est surtout la clé pour survivre”. Mais le patron d'Exxon Mobil a fait reconnaître par des termes clairs que “la vérité la plus importante est que les pays importateurs de pétrole tels les états-Unis ne peuvent pas échapper de leur dépendance de l'offre internationale en pétrole”. Pour lui, les deux ouragans ont prouvé que “la notion selon laquelle un pays peut assurer son indépendance énergétique n'est pas réaliste”. Par conséquent, le défi à relever dans le développement du secteur des hydrocarbures pour pouvoir répondre à la demande et assurer un meilleur niveau de vie “exige de gigantesques investissements et des innovations technologiques”, a-t-il estimé.