Au cours du procès en appel des "marcheurs du 5 Octobre", tenu jeudi, les avocats du collectif de défense du Hirak ont dénoncé un "procès sécuritaire et politique" intenté contre des activistes qui n'ont commis aucun délit. "Sur l'ensemble des accusés poursuivis pour les mêmes chefs d'inculpation, seuls des hirakistes connus pour leur activisme ont été condamnés à de la prison ferme", se sont insurgés les avocats, en dénonçant de graves violations de procédure lors du procès en première instance. Rappel des faits. Dans l'après-midi du 5 octobre dernier, en commémoration des événements d'Octobre 1988, une poignée de hirakistes improvisait une marche dans le quartier de Seddikia, à l'est d'Oran. La manifestation vient à peine de démarrer que des véhicules de police jaillissent, contraignant les marcheurs à se disperser dans les ruelles de Seddikia, mais aussi dans le quartier voisin, la cité "Point du jour". La police lance alors une opération de recherches qui aboutit à l'interpellation d'une vingtaine de jeunes et de moins jeunes, dont des habitants de la cité Point du jour, étrangers au mouvement du Hirak, qui se retrouvent en garde à vue dans les locaux de la police. Le lendemain, tout ce beau monde est déféré devant le tribunal de Fellaoucène pour un procès en comparution directe et qui sera renvoyé au jour suivant par le président d'audience, lequel n'avait pas pu étudier le dossier. Tous les accusés sont remis en liberté provisoire, à l'exception de Nasreddine Boudjenane, de Hadj Bouabça, de Karim Zaouch et de Houari Abdelmoula, hirakistes connus des services de sécurité, qui seront placés sous mandat de dépôt. Le juge identifie quatre autres hirakistes, qui ne sont pas dans la salle d'audience, et les déclare en état de fuite : Abdelhadi Abbès, Brahim Benaouf, Amari Ayoub et Fayçal Zeghad. Le mercredi 7 octobre, les quatre détenus comparaissent en vidéoconférence depuis la prison d'Oran : Boudjenane et Abdelmoula admettent avoir participé à la marche, contrairement à Zaouche et à Bouabça qui, tout en assumant leur activisme au sein du Hirak, nient avoir pris part à la manifestation du lundi précédent. Abdelhadi Abbès, Brahim Benaouf et Amari Ayoub affirment qu'ils n'étaient pas en état de fuite, qu'ils ne savaient même pas qu'ils étaient recherchés. Mais tous ces accusés rejettent les accusations d'attroupement non armé, de trouble à l'ordre public et d'outrage à fonctionnaires et institutions de l'Etat, portées à leur encontre. Quant au reste des inculpés, ils nient leur participation à la marche, déclarant avoir été injustement arrêtés alors qu'ils se trouvaient à la cité Point du jour, le quartier où ils résident ou travaillent. Le procureur de la République requiert six mois de prison ferme, tandis que les avocats de la défense plaident la relaxe en s'élevant contre la répression qui s'abat sur les animateurs d'un mouvement que "le président lui-même a béni". Le 14 octobre, le tribunal prononce un verdict surprenant par sa sévérité : Nasreddine Boudjenane, Hadj Bouabça, Karim Zaouch et Houari Abdelmoula, toujours en détention, sont condamnés à quatre mois de prison, dont un ferme ; Abdelhadi Abbès, Brahim Benaouf et Amari Ayoub écopent, eux, de six mois de prison ferme sans mandat de dépôt, tandis que quatre autres, qui n'avaient pas comparu au procès, sont condamnés par défaut à une année d'emprisonnement avec émission de mandat d'arrêt. Tous les autres prévenus sont condamnés à six mois de prison avec sursis. Après le double appel interjeté par le parquet et la défense, toutes les parties se sont retrouvées jeudi dernier devant la cour d'appel d'Oran. Les accusés ont maintenu les déclarations faites en première instance, le procureur de la République a requis l'aggravation de la peine et le collectif de la défense a plaidé la relaxe. Pour les avocats, cette affaire illustre la volonté du pouvoir d'étouffer toute voix discordante afin de faire passer son agenda. "Seuls des hirakistes ont été condamnés, les procédures du code pénal ont été violées, la justice continue d'être manipulée", ont-ils dénoncé en substance dans leur intervention, en insistant sur le fait que cette affaire est intervenue en pleine campagne référendaire pour la Constitution. Le verdict a été mis en délibéré pour le 24 décembre.