Les procès des frères Kouninef ont démontré, même sommairement, comment le siphonnage du Trésor public s'exerçait sous le règne de Bouteflika. La cour d'appel d'Alger a rendu, jeudi, son verdict dans l'affaire des trois frères Kouninef et de leurs coaccusés. La cour a finalement confirmé les peines infligées aux accusés en première instance. Les trois frères Kouninef n'ont pas bénéficié de réduction de peine. En effet, Réda Kouninef, le patron du groupe KouGC a été condamné à 16 ans de prison ferme, avec une période de sûreté. Son frère Tarek-Noah a écopé de 15 ans de prison ferme et Abdelkader-Karim de 12 ans. Les trois frères Kouninef ont également été condamnés à payer la somme de 8 millions de dinars d'amende chacun. La cour a aussi décidé la saisie de tous les biens des trois frères. Leur sœur Souad est condamnée par contumace à 20 ans de prison ferme, avec le maintien du mandat d'arrêt international émis contre elle. Dans la quasi-majorité des peines prononcées, seul le P-DG du groupe KouGC, Kaddour Bentahar a vu sa peine réduite à 5 ans alors qu'il avait écopé en première instance de 8 ans. Les autres accusés, essentiellement des cadres d'institutions publiques, ont vu leurs peines confirmées par la cour. Poursuivis, essentiellement pour "blanchiment d'argent, corruption, obtention d'indus avantages, financement occulte de la campagne électorale et trafic d'influence", les trois frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC, n'ont visiblement pas pu apporter la preuve de leur innocence, d'où cette sévère sentence à leur encontre. Lors du procès en appel, d'aucuns parmi les présents à la cour du Ruisseau, avaient remarqué que l'affaire avait été tout bonnement expédiée. Contrairement au procès en première instance, la cour a survolé un dossier qui pouvait bien apporter un éclairage sur les zones d'ombre du règne de Bouteflika, surtout que les frères Kouninef étaient ses protégés et que leurs affaires ont prospéré, particulièrement, sous le long et ruineux règne du président déchu. Impliqué dans plusieurs secteurs d'activité, KouGC, le groupe fondé par les Kouninef, s'est illustré pendant près de deux décennies par la facilité déconcertante avec laquelle il raflait de gros marchés et dit en passant, la mainmise sur la commande publique. Dans le secteur de l'énergie, des télécommunications, de l'agroalimentaire, du bâtiment, de l'industrie..., les Kouninef n'ont jamais été confrontés à un quelconque refus ou blocage. Même la justice ne les a jamais déboutés dans les procès qu'ils ont intentés à des entreprises publiques. Algérie Télécom a été condamnée à verser plusieurs centaines de milliards à Mobilink. Cette filiale du groupe KouGC a miraculeusement eu gain de cause dans l'affaire des cabines téléphoniques à carte Oria. Algérie Télécom a déboursé 270 milliards alors que les Kouninef en réclamaient 400. Les Kouninef ont même eu le "privilège" de bloquer les comptes d'Algérie Télécom pour l'obliger à payer la rondelette somme exigée. D'où détenaient-ils tout ce pouvoir pour s'assurer une ascension fulgurante et une totale impunité en quelques années seulement ? Même si la justice n'a pas révélé tous les secrets des pratiques familières aux protégés de Bouteflika, les procès qui ont traité des affaires de corruption ont fait émerger un tant soit peu une partie de l'iceberg qu'était la corruption sous l'ère d'Abdelaziz Bouteflika. Le cas des Kouninef est édifiant en la matière. Le groupe KouGC a également bénéficié en concession, à titre d'exemple, de dizaines d'assiettes foncières dans des zones industrielles, des ports, de reprise d'entreprises publiques, comme Cogral (ex-Sogedia)... En somme, les procès des frères Kouninef ont démontré même sommairement comment le siphonnage du Trésor public s'exerçait sous le règne de Bouteflika.