Depuis quelques mois, les ONG internationales, les représentants officiels d'Etats et même les médias français ou d'autres pays, ne s'intéressent plus à la situation vécue en Kabylie, laissant ainsi toute une population livrée à elle-même, souffrant presque à huis clos. Ce black-out s'est manifesté notamment depuis le 25 mars dernier, lorsqu'une féroce vague de répression s'était abattue sur le mouvement citoyen mais aussi sur toute une région qui s'est vue interdire toute sorte d'expression publique, toute tentative de manifestation populaire malgré le caractère pacifique des actions annoncées. De nombreux délégués et citoyens étaient dans les geôles, d'autres étaient recherchés ou vivaient avec la peur de se faire arrêter. Pourtant, ce n'était pas le cas au début des événements sanglants du Printemps noir, car, au moment où le sang de centaines de jeunes victimes venait d'être versé, les mêmes ONG se bousculaient pour arriver en Kabylie et s'enquérir de l'état des lieux. C'était le cas de Human Watch, Amnesty International, le Mouvement de la paix et de nombreux députés européens (Hélène Floutre, etc.) ou de représentants onusiens. À l'époque, ces organisations ou personnalités avaient pu rencontrer des parents de victimes ou des blessés, des témoins des crimes commis, des délégués du mouvement citoyen, des partis politiques, des élus, et tous ceux qui pouvaient témoigner de la tragédie. Ensuite, c'était le silence radio. Les raisons peuvent être d'ordre politique ou tout simplement d'autorisation des autorités algériennes. Est-il utile de rappeler, à titre d'exemple, la rencontre avortée de Belaïd Abrika avec une délégation de l'ambassade américaine, en août dernier. Les médias étrangers, notamment français, avaient également tu, pendant longtemps, les dépassements commis en Kabylie. Aujourd'hui, la situation a chargé, la Kabylie intéresse, de nouveau, les ONG internationales, et il y a lieu de se demander si l'élan de solidarité internationale, suscité par les 42 jours de la grève de la faim de Abrika et ses codétenus n'y est pas pour quelque chose. Il y a seulement quelques jours, le conseil national du Mouvement de la paix en France avait interpellé le président Chirac sur l'incarcération arbitraire des détenus du mouvement citoyen. Aux dernières nouvelles, le président Chirac est entré en contact avec l'organisation pour lui demander de fournir un dossier complet sur la situation qui prévaut en Kabylie. Une autre ONG internationale s'est intéressée, elle aussi, à la Kabylie. Il s'agit de International Crisis Groupe (ICG), depuis quelques jours dans cette région et qui compte fournir un rapport qui serait le plus exhaustif possible, sur l'état des lieux depuis avril 2001, pour être soumis à débat au niveau des Nations unies. Les représentants de cette ONG ont rencontré, avant-hier, des responsables du bureau régional du RCD, avec lesquels ils ont essayé d'éclaircir beaucoup de points qui étaient ambigus, vus de l'autre côté de l'Algérie. Ils ont également abordé les perspectives telles qu'aperçues par le RCD. Le FFS a, lui aussi, eu à recevoir la même délégation pour s'entretenir de la conjoncture actuelle. Les représentants de ce parti n'ont pas raté l'occasion pour dire que le mouvement citoyen a été perverti et qu'il œuvre pour un clan du pouvoir. Les délégués de la CADC ont, quant à eux, tracé la genèse des événements en présentant le contexte dans lequel était né le mouvement citoyen, ses objectifs et ses documents de base. Il y a quelques semaines, une délégation de l'ambassade des USA s'était entretenue avec presque les mêmes interlocuteurs. Leur objectif était de recueillir un maximum d'informations sur les événements de Kabylie et la situation globale. K. S.