Liberté : Le Comité scientifique a sollicité une fatwa d'une commission des affaires religieuses pour "valider" la vaccination contre la Covid-19. Quel commentaire cela vous inspire ? Lahouari Addi : Cette démarche est étonnante de la part du Comité scientifique parce qu'il n'y a pas de demande parmi le public dans ce sens. Aucune personnalité religieuse n'a conseillé de ne pas se faire vacciner pour des motifs religieux en Algérie ou ailleurs. Les wahhabites saoudiens n'ont pas demandé une telle fatwa. Les Iraniens se méfient des vaccins en provenance des Etats-Unis, mais pas de la Russie et de la Chine. Il est vrai que certaines personnes sont méfiantes en raison de la courte durée de la conception du vaccin, mais pas pour des motifs religieux. D'autres se posent des questions sur le choix de tel ou tel vaccin. Il y a des Algériens qui se méfient du vaccin russe, d'autres du vaccin américain, etc. Mais personne ne dit que le vaccin serait haram parce qu'il contiendrait telle ou telle substance. Cette question est tranchée par la tradition musulmane qui considère que tout ce qui protège la vie est hallal. Le principe de la fatwa existe pour lever un interdit religieux au cas où cet interdit serait contradictoire avec la préservation de la vie. Les oulémas sont certes hostiles aux sciences humaines et à la philosophie, mais pas aux sciences de la nature, dont la médecine.
Pourquoi les responsables gouvernementaux sont-ils enclins à enrober leurs choix ou leurs décisions d'une caution religieuse ? Les responsables gouvernementaux dont vous parlez ne connaissent pas la société algérienne. Il n'y a pas d'études sociologiques et pas d'instituts de sondage crédibles, ce qui favorise des craintes imaginaires en rapport avec le déficit de légitimité politique. Où peut mener cette sollicitation permanente du religieux pour légitimer et rendre "halal" des décisions gouvernementales ? Cette sollicitation permanente du religieux est sélective. J'aimerais que le ministère de l'Intérieur demande une fatwa pour savoir si le trucage des élections est hallal ou haram. J'aimerais que le ministère du Commerce demande une fatwa pour savoir si le déficit de la balance commerciale avec un pays non musulman est hallal ou haram. Vous savez, la religion a toujours été instrumentalisée par le politique. Ali Ibn Abi Taleb a dit que le Coran ne parle pas ; on le fait parler. Et quand on le fait parler, c'est toujours en fonction d'intérêts politiques ou symboliques. Propos reccueillis par : Rezki M.