En agissant hors du cadre de l'accord d'Alger, l'ex-rébellion targuie qui participe au Conseil de transition au Mali crée un dangereux précédent, qui remet en cause son engagement en faveur de la paix dans ce pays, en proie à une instabilité permanente. La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion targuie) a décidé, au début de la semaine, d'une série d'actions militaires qui font déjà grincer des dents à Bamako, en attendant la réaction de la médiation internationale, chargée de la mise en œuvre de l'accord de paix et de réconciliation au Mali. Allant loin de son fief traditionnel, dans le nord du pays, la CMA a annoncé dans un communiqué la "création de 2 zones militaires dans la région de Gao (le Haoussa et le Gourma) avec une coordination unique", dans le centre du Mali, connu pour être plutôt un terrain de chasse de la Plateforme d'Alger, l'autre mouvement signataire de l'accord de paix de mai-juin 2015. Dominée par les Touareg Ifoghas, la CMA a annoncé aussi un "renforcement des mesures dédiées à la lutte contre l'insécurité dans les régions de Tombouctou et de Ménaka", où vit une majorité de Touareg Imghad et des membres des communautés arabe, peule et dogon. Hormis le risque de confrontation que ces décisions pourraient provoquer, l'action de la CMA est considérée par des médias maliens comme une auto-proclamation de fait de l'indépendance de ce que les Touareg appellent le territoire de l'Azawad. Le président de transition, Bah N'Daw n'a pas encore réagi à ces derniers événements, qui interviennent dans un contexte politico-sécuritaire difficile, marqué par un équilibre fragile des pouvoirs à Bamako et une recrudescence du terrorisme dans ces mêmes régions où la CMA semble vouloir s'imposer. C'est d'ailleurs au nom de ce "souci" sécuritaire que la Coordination des mouvements de l'Azawad a décidé de créer ces deux zones militaires et de renforcer sa présence à Tombouctou, à Gao et à Ménaka. "Il est créé dans le Gourma une zone de défense et de sécurité relevant de l'état-major général de la CMA dans le but de mieux contribuer à la sécurité des personnes et de leurs biens en partenariat avec les forces nationales et internationales", précise la décision de la CMA, selon le communiqué publié à l'issue de près d'une semaine de discussions de son comité directeur. Le Comité de suivi de l'accord de paix et de réconciliation (CSA), chargé de la mise en œuvre de ce texte, devait se réunir en janvier dernier, mais la session de travail a été reportée à la demande de l'Algérie pour on ne sait quelle raison. En l'absence d'une autorité légitime à Bamako, en attente de nouvelles élections dans moins de 14 mois, l'armée qui domine les autorités de transition va-t-elle réagir et imposer son autorité dans cette région où ses troupes ont du mal à sécuriser les populations isolées et à lutter efficacement contre la présence des groupes terroristes d'Al-Qaïda et de l'autoproclamé Etat islamique ? Pour le moment, silence radio du chef de la junte Assimi Goïta, dont tout le monde attend une annonce forte par rapport à ce qui se passe.