L'épouse de Noureddine Tounsi, lanceur d'alerte en détention préventive depuis septembre 2020, est inquiète pour son époux. Inquiète en raison de la prolongation de la détention préventive décidée le 23 janvier dernier, des conditions de détention dans l'établissement pénitentiaire d'Oran mais également et surtout inquiète d'une possible condamnation de son époux pour de lourds chefs d'accusation qui, estime-t-elle, ne sont pas fondés. Noureddine Tounsi est poursuivi pour intelligence avec l'étranger, divulgation de secrets professionnels et outrage et violences à fonctionnaires et institutions de l'Etat pour ses liens avec la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF) et ses interventions virulentes sur les réseaux sociaux dénonçant le fonctionnement de la justice et le "comportement suspect de certains magistrats". Dans une déclaration, Mme Tounsi interpelle le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, sur l'absence de protection des lanceurs d'alerte en Algérie en dépit de l'existence de textes de loi garantissant cette assistance. "La dénonciation de la corruption est-elle un crime ? La sollicitation du droit à la protection de l'Etat est-elle un crime ? L'envoi au ministère de la Justice de plaintes à travers les réseaux sociaux est-il un crime ? Le recours à la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique est-il un crime ?", interroge l'épouse de l'ancien employé du port et lanceur d'alerte en rappelant à Belkacem Zeghmati ses propos sur la nécessité d'appliquer la loi. Et en l'occurrence, renchérit Me Farid Khemisti, l'un des avocats de Noureddine Tounsi, la loi impose aux autorités d'assurer la protection des lanceurs d'alerte qui dénoncent les comportements frauduleux portant atteinte aux intérêts de la collectivité. Or, concernant son client, à l'origine de quelques scandales retentissants, l'avocat affirme qu'il a été victime "d'une arrestation arbitraire" et que les poursuites dont il fait l'objet ne sont pas du tout fondées. "Il lui est reproché d'entretenir des liens avec la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF), manifestement vue comme une ‘partie étrangère', alors même qu'il s'agit d'une structure qui vise à protéger les lanceurs d'alerte, comme Noureddine Tounsi justement", explique Me Khemisti en indiquant qu'en ce qui concerne "les accusations à l'égard de certains magistrats, mon client affirme disposer de preuves matérielles accablantes". Rappelons que Noureddine Tounsi a été interpellé le 21 septembre 2020 près de son domicile à El-Hamri en compagnie de son avocat et a été placé en détention préventive deux jours plus tard par le magistrat instructeur du tribunal correctionnel de Fellaoucène. "En 2016, mon époux qui se savait en danger avait officiellement introduit une demande de protection auprès des autorités en sa qualité de lanceur d'alerte. Mais aucune réponse ne lui est parvenue. Ni lui ni aucun des lanceurs d'alerte qu'il connaît n'ont bénéficié de cette protection, ils ont, au contraire, vécu bien des avanies", déplore encore Mme Tounsi en appelant à la libération et à la réhabilitation de son époux.