La menace terroriste en France est “incontestablement élevée” et la radicalisation des réseaux islamistes n'a “jamais été aussi forte”, affirme le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière dans un entretien au Figaro. “Un pas a été franchi avec les attentats suicide de Londres. Mais la menace chimique reste d'actualité”, ajoute-t-il dans cet entretien paru hier dans le quotidien. Certains réseaux islamistes ont, selon le juge, “travaillé sur du chimique ou du biologique primaire de type ricine ou toxine botulique”. Ils ont été formés en Afghanistan dans des camps spécialisés tenus notamment pas des Egyptiens, dans le Caucase, en Géorgie ou dans l'enclave d'Al Ansar au Kurdistan irakien, affirme-t-il. S'agissant du risque d'un attentat nucléaire, le juge Bruguière estime que cette hypothèse ne “relève pas de la supputation”. Jean-Louis Bruguière note surtout la présence de recrues de plus en plus jeunes, parfois mineures, dans les réseaux islamistes et constate que le “vivier” devient “de plus en plus instable” avec des acteurs “très mobiles”. “Ils se démarquent des activistes recyclés des organisations islamistes du Maghreb, tel le GIA”, observe-t-il. Les acteurs “peuvent nouer des contacts avec d'autres activistes sur tous les continents” et “passent d'un cercle à l'autre”, d'où la difficulté de cerner le rôle de chacun, poursuit-il. Il s'agit de groupes “très atomisés”, qui ont un “développement de type viral” et dont le noyau dur est constitué de cinquante à cent personnes, souligne-t-il. “Ceux-là ont une trajectoire terroriste avérée.” “Nous assistons en fait à une mutation des réseaux, avec de nouveaux acteurs beaucoup plus jeunes, parfois même mineurs, et donc encore plus malléables”, note Jean-Louis Bruguière. Ces “adolescents du djihad” n'ont pour certains qu'un bagage scolaire ou religieux rudimentaire et “sont prêts à s'enflammer sous l'impulsion d'un "émir" de circonstance”, dit-il. “Les jeunes recrues sont souvent dépêchées (...) elles aussi sur les théâtres d'opérations, comme en Irak”, poursuit le juge, selon lequel “les convertis sont indéniablement les plus durs”. Il existe un “cercle avéré des radicaux engagés” qui apportent leur soutien financier ou matériel au réseau, puis les “fondamentalistes vindicatifs, certes moins impliqués, mais qui peuvent basculer à tout moment”, ajoute le juge. Il note aussi la présence de femmes qui se convertissent “pour la cause” et portent un “intérêt non négligeable” à des djihadiste venus “constituer ou réactiver” une cellule. Evoquant le projet de loi antiterroriste qui fait actuellement débat en France, il estime que des mesures de vidéosurveillance ou de hiérarchisation des peines sont “nécessaires”. “La prolongation de la garde à vue antiterroriste de quatre à six jours est devenue indispensable”, ajoute-t-il tout en prônant un encadrement légal.