À la veille du deuxième anniversaire du Hirak, l'Algérie cherche encore la voie la plus sûre pour le dépassement de la crise à moindre coût. Le moment est plus que jamais venu de transcender les clivages bloquants. L'attente ressemble à s'y méprendre à celle qui précède la vue de la "fumée blanche" : à moins d'une semaine de l'anniversaire du Hirak populaire dont un avant-goût d'une éventuelle reprise vient d'être donné par la grandiose mobilisation de Kherrata, la scène politique nationale ou celle qui tient lieu de tel, désertée par des partis contraints à l'hibernation par la pandémie, mais aussi par le mouvement populaire pour certains d'entre eux, est gagnée par la fébrilité. Une espèce d'effervescence qui suggère l'attente de quelques annonces et dont les contours des enjeux sont difficilement perceptibles. Tout se passe comme si, à la veille de cette date symbolique, un "bras de fer" sourd est engagé entre, d'une part, le pouvoir, hanté par une hypothétique reprise des manifestations populaires dans un contexte de crise sanitaire, mais également politique et économique, en quête d'appuis et de relais et, d'autre part, un Hirak, pour l'heure virtuel, dont la vigueur et l'esprit d'opposition au système demeurent visiblement intacts. Ce n'est sans doute pas sans raison que les initiatives et les approches de sortie de crise se multiplient depuis quelques semaines. Probablement préoccupé par une hypothétique reprise de la contestation populaire, le pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune a tôt fait d'engager, dès son retour d'Allemagne, des consultations politiques avec de nombreuses formations politiques. À son "tableau de chasse" : une prise de langue avec le plus vieux parti d'opposition, le FFS. Même si la rencontre semble avoir fait désordre au sein de la base du parti, elle aura eu le mérite, cependant, de décrisper les rapports entre le pouvoir et une partie de l'opposition. Perçue comme une caution au pouvoir par les détracteurs du parti, assimilée à une tentative de "torpiller" le mouvement populaire, elle s'apparente à une étape nécessaire pour le FFS dans la perspective de l'organisation de sa convention et la construction d'un consensus pour le règlement de la crise. Le FFS dont la démarche participe de son souci de promouvoir le dialogue n'a pas fait état de sa revendication principale martelée depuis sa création : l'élection d'une Assemblée constituante. Et reste à savoir si le pouvoir va accéder aux exigences qu'il a exprimées dont notamment la levée des entraves à l'exercice politique et médiatique et la libération des détenus d'opinion. En attendant une meilleure visibilité, et si l'on excepte les partis inscrits dans l'agenda du pouvoir, les propositions de sortie de crise fourmillent : Zoubida Assoul a appelé à l'organisation d'une élection présidentielle anticipée et à la désignation d'un gouvernement d'union nationale qui sera chargé de "charger des personnalités nationales indépendantes et crédibles pour superviser une conférence nationale de dialogue inclusif permettant de trouver les mécanismes et les conditions nécessaires à l'organisation d'élections plurielles, libres, crédibles et transparentes". Pour sa part, la Laddh a appelé à un "compromis historique". Quant aux forces regroupées dans le cadre du PAD et certaines personnalités, elles réitèrent leur appel à la transition en faisant corps avec le Hirak dont elles espèrent le retour, tandis que le "Nida22", initiative d'activistes, s'emploie à rechercher un "accord politique consensuel" afin de "réaliser une transition démocratique souple qui ne soit pas monopolisée par le pouvoir de fait tout en garantissant la continuité de l'Etat" et de "concrétiser l'Etat de droit, des institutions et la justice sociale", à organiser le Hirak et le dialogue pour aboutir à une grande conférence nationale. Comment tout ce beau monde va s'entendre sur une démarche consensuelle ? Quelle est la meilleure approche de sortie de crise ? Le système est-il prêt à faire sa mue ? Si rien n'indique pour l'heure ce que fera le pouvoir dans les prochaines heures même si, a priori, il donne des signes de vouloir maintenir le cap des législatives, il reste qu'il est condamné à prendre de grandes décisions pour espérer rétablir, à terme, un début de confiance. Une mission qui n'est pas de tout repos d'autant que des proches de Tebboune soupçonnent, comme lors de la crise des liquidités et des incendies, l'existence d'un "complot". "Il y a lieu aussi de relever qu'à des niveaux élevés de la hiérarchie subsistent encore des esprits gelés, sectaires qui tentent toujours de nuire à la volonté de M. le Président d'asseoir des règles de fonctionnement de la République plus conformes aux normes d'une Algérie de son temps, telle que voulue par ses citoyens", s'est plaint, hier, le médiateur, Karim Younès. Enjeux et défis immenses, situation complexe.