L'attente était longue, presque désespérante. Le journaliste Khaled Drareni, touché par la grâce présidentielle, a été libéré hier en début de soirée. Impatients d'accueillir leur ami, dès le lendemain de l'annonce de la mesure présidentielle, nombre de ses amis, de ses collègues et autres activistes du Hirak se sont empressés de faire le pied de grue devant la prison dès 8h. Optimistes, ils assurent que Khaled sera libéré. "Oui, il est concerné par le décret portant grâce présidentielle au profit d'une trentaine de détenus, jugés définitivement, et de 55 à 60 autres, dont les jugements n'ont pas encore été rendus par la justice", assurent, à l'unisson, nombre des présents. Mais les avocats sont dubitatifs. "J'espère que le Président tiendra sa promesse, néanmoins, je ne suis pas sûr qu'il sortira de prison, car il a un jugement à la Cour suprême pour le jeudi 25 février, donc nous ne savons pas", indique une avocate, Me Chekirine. Quant aux autres détenus d'opinion, Sami Dernouni et Namia Abdelkader, elle précise que leur procès est fixé pour mardi. Questionnée sur la lenteur de la procédure de libération, Me Chekirine soutient que "c'était normal vu que cela dépendait de la paperasse venant des autorités et du ministère de la Justice, et qui doit être signée, faute de quoi, la prison ne peut pas libérer le détenu". Jusqu'au fin d'après-midi on n'était toujours pas sûr de sa libération. Les agents pénitentiaires ont assuré qu'ils n'étaient au courant de rien et qu'ils n'avaient rien reçu. Imprécise, l'annonce de Tebboune a laissé la porte ouverte à la spéculation. L'avocat Abdellah Haboul affirme dans ce contexte que "le Président, en fait, nous a envoyé une invitation indirecte à soumettre des demandes de libération de nos clients pour leur libération". Selon lui, "il existe trois catégories de détenus qui ne sont pas couverts par la grâce présidentielle et qui peuvent être identifiées : la première est celle de ceux qui ont été jugés définitivement et qui ont déposé des pourvois en cassation devant la Cour suprême". Dans ce cas, l'avocat explique : "Le pouvoir de libérer appartient à la chambre criminelle au niveau du Conseil judiciaire, et cela est soit basé sur une demande du détenu, soit le parquet général lance la demande, conformément à l'article 128 du code de procédure pénale". Quant à la deuxième catégorie, "elle est représentée par les détenus dont les dossiers se trouvent au niveau des chambres criminelles" et ceux-là "ont également le pouvoir de les remettre à la Chambre pénale pour accélérer les procédures du parquet général". Enfin, concernant la troisième catégorie, "elle est représentée par des détenus au niveau des autorités chargées de l'enquête", car celles-ci ont le pouvoir de les remettre au juge d'instruction qui décide alors de la mise en liberté d'office ou à la demande du procureur ou de l'accusé. Alors que l'attente s'annonçait longue, sur place, les klaxons des voitures et les hymnes à la liberté retentissaient en soutien aux nombreux militants présents. Malgré un soleil de plomb, les militants ont donné de la voix en convoquant tous les slogans du Hirak, tels que "Dawla madania, machi âaskaria". C'était aussi une occasion de mise à jour de slogans collant avec l'actualité, à savoir : "Jabouna Dahdah (allusion au terroriste montré à la télé mercredi) iharrach bina, mel 22 février bassitou bina" (vous nous avez ramené Dahdah pour se moquer de nous, mais vous vous êtes mis dans l'embarras depuis le 22 février 2019). Jusqu'en milieu d'après-midi, près d'une quinzaine de détenus seulement ont été libérés. Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), il s'agit de Badi Allal (Tamanrasset), Lahcen Ben Cheikh (Bordj Bou-Arréridj), Mohamed Naïli (Tébessa), Allal Kadari et Kouider Becharef (Saïda), Mohamed Athmane (M'sila), Touhami Abdelmalek (Aïn Salah), Ali Mokrane (Chlef), Mohamed Amine Belmokhtar (Alger), Sofiane Slimani (Oued Souf), Aïssam Sayeh (Tlemcen), Nabil Bahloul (Bordj Bou-Arréridj), Fayçal Zeghad (dit Foufow).