Par : Hassane OUALI L'Algérie ne sera ni libre ni démocratique si la société dans son ensemble ne fait pas tomber l'autre système. Le patriarcat qui n'admet la femme que soumise. Un système qui prit racine dans une alliance régressive formulée politiquement dans l'indigne code de la famille. Le régime du FLN avait fait alors un choix sociétal anhistorique en s'appuyant sur le segment réactionnaire de la société. S'est ouverte, alors, dans le pays une brèche dans laquelle s'est engouffrée une idéologie porteuse de tous les périls mis en œuvre dès les années quatre-vingt-dix. Progressivement, les idées progressistes qui étaient à l'origine de l'émancipation nationale s'effaçaient devant les valeurs conservatrices renforcées par un islamisme rampant, conquérant et surtout intimidant. Elles ont fini par s'imposer comme une réalité sociologique et politique dogmatique fixant de nouvelles normes sociales. Et la première de ces normes est naturellement le contrôle de la femme, son corps, son cœur, sa vie et son destin. Toute tentative de remise en cause de cette infériorisation est assimilée à de la déviance. Il aura fallu attendre l'insurrection citoyenne du 22 Février 2019 pour voir le retour puissant des femmes dans l'espace public. Elles sont devenues le cœur battant de la révolution en mettant au centre du débat la question de l'égalité. Les Algériens étaient fiers de marcher aux côtés des Algériennes pour un idéal commun, celui de la fin de la domination autoritaire, de l'instauration d'un nouvel ordre démocratique. Elles donnaient à l'insurrection citoyenne le sourire, la joie et de la beauté. Mais par souci tactique ou calcul politicien, le Hirak se refusait de poser la place politique de la femme dans cette marche de l'histoire et dans l'Algérie en devenir. Centrale, la question est ainsi remise à demain en mettant en avant l'argument selon lequel "il faut en finir d'abord avec le système et après on verra". Et pendant ce temps, le courant islamiste n'hésite pas à brandir ses couleurs sombres. Par manque de vigilance citoyenne, ce report peut bien s'avérer périlleux pour le sort de l'égalité et, plus largement, pour la citoyenneté. Comme par le passé, les femmes et tous les partisans de la fin de la discrimination risquent de se faire avoir. Ce serait tragique et probablement trop tard. D'autant que de nouveaux mots d'ordre apparaissent et tentent d'imprimer au Hirak une orientation douteuse. D'où la nécessité d'une clarification préalable, maintenant, avant que le rapport de force ne bascule dans le camp de la réaction. Il faut que la grande bataille intègre la cause des femmes, elle est une cause commune à tous et sans laquelle le Hirak ne serait pas révolution.