RESUME : Mouna pense à la façon dont elle se serait occupée de son bébé si elle en avait eu un. Elle en souffre. Il y a un vide dans sa vie que rien n'a pu combler. Elle voudrait que cela change et elle décide de se trouver du travail… Une boîte de publicité recherche des hommes et des femmes présentables, âgés entre trente et soixante ans. Mouna éclate de rire en s'imaginant jouer un rôle dans une courte publicité afin de vendre un produit. Elle va à la glace du couloir et se regarde un moment. - Je ne fais pas mon âge. On ne me donnera pas plus de trente ans. Elle approche son visage de la glace et se cherche des défauts. Elle n'a pas une seule ride et elle est si belle. Son visage aux traits fins a beaucoup de charme. Ses parents se plaisent à lui dire qu'elle a des yeux verts magnifiques. Quand elle est heureuse, ils semblent pétiller. Ses cheveux châtains coupés au carré lui donnent de l'allure. Mouna les relève et se regarde de profil : côté gauche puis droit. De nouveau, elle rit. Elle laisse tomber ses cheveux et secoue la tête. - Je pleure, je ris. Je crois que je deviens folle, se dit-elle. Sinon comment expliquer que je passe des larmes aux rires d'un instant à l'autre ? La sonnette de l'entrée retentit d'un coup, comme pour lui éviter de s'attarder sur la question. Elle court ouvrir et tombe sur sa mère, portant un sac qui paraît bien lourd. - Bonjour maman, entre ! - Cet escalier m'a épuisée, répond la vieille femme. Débarrasse-moi de ce sac. Prendre un bain au hammam m'est devenu une corvée. - je mets tes affaires dans la machine ? propose-t-elle. - Non, non, je le ferai chez moi. D'ailleurs, je ne vais pas tarder. Pose-le dans le coin. Hadja Nouara est à bout de souffle. À chaque fois qu'elle fait des efforts, elle se retrouve à souffler à petits coups. Son médecin traitant lui a toujours conseillé de se reposer et d'éviter de se retrouver à respirer de l'air pollué ou plein de poussière. Elle est asthmatique depuis quelques années et en prenant de l'âge, elle en souffre plus. Elle prend place dans le fauteuil du salon. Mouna lui apporte un verre d'eau. - Pourquoi avoir fait le détour ? lui demande-t-elle. - Il fallait que je te vois, répond hadja Nouara. Je n'avais pas prévu de venir mais je suis tombée sur une amie au bain. Il fallait que je te transmette ce qu'elle m'a dit. - ça a l'air important, remarque Mouna en prenant place près d'elle. Raconte ! Tu as piqué ma curiosité. Elle regarde sa mère reprendre son souffle et des couleurs, après avoir bu quelques gorgées d'eau. elle se décide enfin à lui rapporter la nouvelle. - Tu te souviens de Tassadit, la première épouse de Kader, l'épicier du village ? lui demande-t-elle. - Non, mais j'ai un vague souvenir de son mari. Que fait-elle à Alger ? Elle ne vit plus à Boghni ? - Elle est venue rendre visite à sa fille qui a eu une belle petite fille, lui apprend hadja Nouara. Elle a donné une grande fête. Toute sa famille et ses amis ont été invités. Elle a perdu notre numéro, sinon on aurait été aussi invités. - Parce qu'elle a eu une fille ? réplique Mouna. Tu ne trouves pas que c'est exagéré ? - Oh que non, rétorque sa mère avec assurance. La pauvre a attendu vingt-trois ans avant de l'avoir. Elle n'y croyait plus. Heureusement, grâce à Dieu et aux soins qu'elle a eus dans une clinique privée, elle a pu tomber enceinte. Mouna la regarde fouiller dans les poches de sa veste. - Mais où l'ai-je mise ? s'écrie-t-elle, l'air paniqué. - Mais quoi maman ? Qu'est-ce que tu cherches ? - Je l'ai peut-être mise dans mon porte-monnaie, suppose-t-elle en ouvrant son sac à main. Enfin, je l'espère. - Qu'est-ce que tu cherches ? - L'adresse et le numéro de téléphone de la clinique, répond enfin sa mère. Il faut absolument que tu t'y rendes. C'est la chance de ta vie. (À suivre) A. K.