Encore une fois, sans surprise, une marée humaine a déferlé, hier, dans les rues de Tizi Ouzou pour prendre part à la traditionnelle manifestation hebdomadaire pour réclamer le changement radical de système. Comme de coutume, c'est sur l'esplanade du stade du 1er-Novembre, désertée comme tout le reste de l'itinéraire de la marche, par la police pour le second vendredi consécutif, que la foule a commencé à se former à 13h, puis à grossir au fil des minutes qui passaient. À 13h30, heure du départ, la foule, devenue impressionnante entre-temps, notamment à l'arrivée d'un imposant groupe de manifestants qui a pris pour habitude d'arriver à la même heure, s'ébranle aux cris de"Ulac l'vot ulac", "Makache intikhabat mâa el-îssabat". Deux slogans qui deviennent plus audibles et récurrents au fur et à mesure que la date du 12 juin approche. Au fil de sa progression sur la route longeant le CHU de Tizi Ouzou, la foule se divise en carrés qui délivrent, par leurs banderoles, pancartes et chants, un message spécifique. "Pour une véritable transition démocratique", lit-on sur une large banderole portant la signature du Pacte de l'alternative démocratique déployée en tête d'un imposant carré où l'on scande, entre autres, "à bas la répression, libérez les détenus", "Djazaïr houra democratia". Ledit carré ne tarde pas à céder la tête de la marche à un autre carré où sur une large banderole on pouvait lire : "L'Algérie de Djaout vaincra." Sur la même banderole, outre le portrait du fils d'Oulkhou dont on commémore la date de son assassinat en 1993, on pouvait également apercevoir le portrait de celui dont le fantôme continuera longtemps à hanter les responsables du pays, à savoir Kamal Eddine Fekhar, mort en prison suite à une grève de la faim qu'il a observée pour dénoncer l'arbitraire dont lui et tous les siens ont été victimes, puis celui d'un des premiers militants de la cause berbère, Mohand Haroun, mort en 1996. En hommage à ces trois figures, une minute de silence a été observée par la foule sur le boulevard Abane-Ramdane à 14h30. Juste à l'entrée de la trémie du centre-ville, au premier rang de la marche on pouvait voir Zoubida Assoul qui, après s'être rendue dans la matinée à Béni Douala où elle s'est recueillie à la mémoire de Matoub Lounès, de Mouloud Feraoun et de Guermah Massinissa, a tenu à prendre part à la marche du vendredi à Tizi Ouzou, emblème amazigh à la main. "Je suis venue marcher avec mes compatriotes de Tizi Ouzou pour dire qu'aujourd'hui l'heure est à l'unité de toutes les forces quelles que soient leurs tendances pour essayer de travailler l'avenir de l'Algérie et l'Etat de droit, un Etat où il y aura une justice indépendante", nous dira-t-elle. Un groupe de jeunes s'est déplacé de la capitale barricadée par la police pour participer à la marche à Tizi Ouzou qu'il qualifie désormais de "nouvelle capitale du Hirak". Autour d'eux, la foule, fière de les accueillir, scande : "Les Algérois bravo alikoum, El-Djazaïr teftakhar bikoum." Dans d'autres carrés, sont déployées de larges banderoles sur lesquelles figurent un nombre impressionnant de portraits d'hommes et de femmes jetés en prison. Sur d'autres pancartes, on pouvait lire des appels à la grève générale, et sur d'autres encore à poursuivre la lutte jusqu'à l'aboutissement du combat du peuple.