Disqualifiés par le mouvement du 22 Février qui a entraîné l'emprisonnement de plusieurs de leurs principaux dirigeants, l'ex-parti unique et son allié, le RND, reconquièrent l'Assemblée nationale à la faveur d'un scrutin législatif massivement boycotté. Contrairement aux prévisions, le parti du Front de libération nationale (FLN) et son allié le Rassemblement national démocratique (RND) n'ont pas disparu de la scène politique. Les deux partis réunis ont récolté 162 sièges à la future Assemblée nationale. Ils n'ont pas la majorité des 204 députés nécessaires, mais leur score est suffisant pour constituer l'ossature d'une possible nouvelle coalition présidentielle. Ils pourront, tout au moins, "s'imposer au président Tebboune" comme l'a exprimé le politologue Chérif Dris dans nos colonnes. Un scénario tout à fait logique au vu de la configuration actuelle de la scène politique. Les deux partis ne s'étant jamais imaginés en dehors du système, il est quasiment impossible de les voir verser dans l'opposition. Loin s'en faut. Preuve en est que malgré leur statut de quasi-parias dont les a affublés et à quoi les a réduits le Hirak depuis son avènement en 2019, le FLN et le RND sont restés droits dans leurs bottes : jamais un écart de langage, ni un discours critique envers les tenants du pouvoir. Même lorsqu'elles ont été exclues du "dialogue" chapeauté par Karim Younès, à l'été 2019, ces deux formations avaient gardé le même aplomb. Faisant certes profil bas, elles attendaient sans doute le bon moment pour rebondir. Cela est venu avec l'élection présidentielle de décembre 2019 lorsque le RND a pu présenter un candidat, le secrétaire général par intérim d'alors, Azeddine Mihoubi, qui s'était même permis le luxe de se montrer, à un moment de la campagne électorale, comme le candidat favori d'une partie du système. Le FLN, dont est pourtant issu Abdelmadjid Tebboune, ne prend pas position. Mais son secrétaire général par intérim, Ali Seddiki, s'est, un moment, aligné derrière l'ancien ministre de la Culture. Une posture inédite de l'ancien parti unique. Depuis, les deux formations se sont fait oublier. Mais soudainement, elles se réveillent, en mai 2020, en pleine pandémie de Covid-19, lorsque les autorités leur donnent l'autorisation de tenir des réunions publiques pour renouveler leurs directions respectives. Dans leur quête de se refaire une virginité, les deux partis n'ont même pas jugé utile de respecter les règles sanitaires qui devaient s'imposer à tous. Dans la foulée de ce ravalement de façade, les deux partis ont tenté quelques percées sur la scène politico-médiatique. Ils ont déclaré leur soutien, sans réserve, au chef de l'Etat dont ils ont soutenu toutes les options. Le FLN et le RND sont restés sur la même ligne directrice qui les caractérisait depuis au moins une vingtaine d'années. Et cela s'est avéré payant : en mars dernier, les chefs des deux partis, Abou El-Fadhl Baâdji et Tayeb Zitouni ont été reçus, séparément, au palais d'El-Mouradia, par Abdelmadjid Tebboune. "Je reçois tous les partis sans distinction", s'est-il alors exprimé renvoyant la représentativité de chacun aux urnes. Il n'est donc pas exclu que les deux partis retrouvent leur statut de "favoris". Mais pour reconstituer le conglomérat partisan qui a constitué la béquille politique d'Abdelaziz Bouteflika, le FLN et le RND doivent chercher de nouvelles alliances, surtout que les deux autres formations qui leur étaient proches, le TAJ et le MPA, sont pour l'instant rayées de la carte. Pour cela, ils auront le choix. En plus des indépendants qui constituent un réservoir important pour composer une majorité parlementaire, il est très possible que des partis conservateurs comme El-Bina et El-Moustakbal rejoignent le nouveau conglomérat au nom d'un "gouvernement d'union nationale" qui sera chargé de gérer la crise économique et sociale. Même l'adhésion du MSP à la nouvelle équipe au pouvoir n'est pas exclue. Son président l'a bien suggérée. Ali Boukhlef