Le président tunisien Kais Saïed a procédé lundi au limogeage du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Appui à l'investissement, et celui des Technologies de la communication et de la Transformation digitale. Cela intervient dans le sillage des décrets signés le 26 juillet dernier mettant fin aux missions du chef du gouvernement, Hichem Mechichi et d'un certain nombre de ses ministres, dont Ibrahim Al-Bartaji, ministre de la Défense, et Hasna Ben Slimane, ministre de la Justice. Suivis un peu plus tard par celui du directeur général de la télévision centrale. Ces limogeages s'inscrivent dans le cadre des mesures exceptionnelles annoncées par le président tunisien le 25 juillet dernier, lesquelles comprennent le gel des travaux du Parlement pour une durée de 30 jours et la levée de l'immunité de tous les parlementaires Cela a lieu aussi alors que le président Saïed poursuit sa quête d'un premier ministre. Mais, loin de se soumettre à la pression exercée sur lui par l'opposition interne et par certaines puissances occidentales, M. Saïed semble procéder par petites touches, en procédant à des remplacements dans la composition du gouvernement en attendant de mettre la main sur celui qui dirigera l'équipe. Mais, en confiant la gestion du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Investissement à Sihem BoughdhiriNemsia 56 ans, ancienne directrice générale des études et législation fiscales qui cumule 28 ans dans le département des finances, le président Saïed ne pensait peut-être pas bien faire puisqu'elle est spécialisée dans l'élaboration de la législation fiscale et des mesures fiscales de la loi des finances et a participé aux négociations portant sur le programme de réforme fiscale avec le FMI, l'OCDE, l'Union européenne et le Fonds monétaire arabe. Une pointure qui s'impose non seulement par l'exigence d'une compétence économique, comme formulée par le syndicat ouvrier l'UGTT, qui a appelé de ses vœux à la nomination, dès hier, d'un chef de gouvernement, mais aussi, par la demande citoyenne d'emplois et de justice sociale, exprimée lors des dernières manifestations, plus de 10 ans après "la révolte de jasmin" qui a fait tomber Benali. Le profil économique se mesure en outre à l'aune des négociations difficiles que doit mener le pays avec les institutions financières internationales, en raison des notes financières dégradées qui lui sont délivrées. Ainsi, dans son rapport publié lundi, en réaction à l'application de l'article 80 de la Constitution par le président de la République Kais Saïed, en vertu duquel il a limogé le chef du gouvernement, gelé les travaux du Parlement et levé l'immunité des députés, l'agence de notation financière Moody's "craint qu'une crise politique prolongée perturberait davantage les négociations avec le FMI sur un nouveau programme pluriannuel, déjà au point mort, et ce en raison de désaccords déjà préexistants avec les pouvoirs publics". Moody's estime qu'il est peu probable que le FMI souscrive à un nouveau programme sans l'approbation d'un train de réformes global, dans le cadre d'un "pacte social" rassemblant toutes les composantes nationales (syndicat, patronat, société civile...). Le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme, Mme Michelle Bachelet, a aussi fait état de son inquiétude sur la situation en Tunisie mais réitéré son offre d'assistance lors d'une conversation téléphonique avec le ministre tunisien des Affaires étrangères Othman Jerandi. C'est dans ce contexte de grisaille, fait de limogeages, de nominations de nouveaux ministres, de poursuites judiciaires contre des députés de l'opposition et de suspension des mandats de recherche émis à l'encontre d'autres députés, que s'organise le soutien à M. Saïed. Ainsi, sept partis politiques se sont réunis pour discuter de la création d'un front politique pour soutenir le président Kaïs Saïed dans ses dernières décisions. Ces partis sont le mouvement Echaab, Al Watad, le courant démocratique, le parti national sociodémocrate, Mouvement Al Baath, le mouvement La Tunisie en avant. Amar R.