L'approvisionnement des pharmacies en médicaments dans la wilaya de Biskra connaît des perturbations, provoquant des effets nocifs, notamment pour les malades chroniques, souvent à la recherche de médicaments indispensables pour leurs traitements. De nombreux médicaments sont complètement indisponibles dans la région, et c'est ce que nous avons pu constater auprès de certaines officines. Le constat est le même dans toutes les officines de la wilaya. Belkacem G., vendeur dans une pharmacie depuis une trentaine d'années, qui connaît donc la nomenclature de tous les produits pharmaceutiques ainsi que les indications et les contre-indications médicales de n'importe quel médicament, nous dresse une longue liste de médicaments introuvables à Biskra. "Il existe une centaine de médicaments introuvables chez nous. Je peux vous citer, à titre d'exemple non limitatif, ce qui suit : le Fungizone (suspension buvable), qui est d'une extrême utilité, et que nous n'avons pas vu depuis deux ans, ou un peu plus, est introuvable en pharmacie, mais présent sur le marché parallèle, où il est proposé à pas moins de 1 800 DA. Vu l'inexistence de ce remède, les médecins le remplacent dans leurs ordonnances par le Daktarin, qui est de moindre efficacité. La Colpotrophine, elle, est inexistante depuis presque trois ans. Il s'agit de comprimés très largement utilisés par les femmes enceintes. Un produit qui aide à faciliter l'accouchement, il coûte pas moins de 3 800 DA hors pharmacies. Le Methergin gouttes, utilisé pour l'interruption volontaire de grossesse (avortement médical), est absent depuis quatre ans, mais il se vend ailleurs à 2 900 DA, alors que chez-nous, il ne faisait que 400 DA. La pommade ophtalmique Sterdex, un antibiotique et anti-inflammatoire, indispensable surtout pour les soins préopératoires, est inexistante depuis au moins une année. D'autres médicaments aussi, très importants pour atténuer la douleur des patients souffrant de maladies insidieuses, connaissent une rupture criante d'approvisionnement. Le Decapeptyl en injectable, traitement hormonal pour les cancers du sein et de la prostate, est introuvable depuis des mois." Notre source fait savoir que plusieurs autres médicaments pour le traitement de maladies très répandues dans le pays enregistrent aussi une pénurie grave. "Le Carbimazole (comprimés), vital pour le traitement de l'hyperthyroïdie (les goîtres), est absent depuis longtemps. Il en est de même également pour le Levothyrox qui nous est livré par nos fournisseurs, mais en quantités réduites, donc ne pouvant satisfaire la demande accrue. L'Efferalgan, amplement utilisé ces derniers temps par les patients atteints de coronavirus, est en rupture de stock. Et la liste est loin d'être exhaustive. Et comme on parle de pandémie de coronavirus, il convient de signaler que Lovenox (0.2 ml, 0.4ml, 0.6ml, 0.8ml), un anticoagulant injectable recommandé pour le traitement de la Covid, a disparu de nos étals, il y a maintenant des semaines, notamment le 0.6ml. Nos fournisseurs venant de différentes wilayas du nord du pays nous livrent ce médicament en quantités minimes, qui sont donc loin de répondre à la demande de nos patients. L'Augmentin (en sachets et en comprimés), un antibiotique à très large spectre, lui aussi est en rupture depuis deux semaines. Le Doliprane que nous utilisons tous pour baisser la fièvre, lui aussi, ne déroge pas à la règle. L'on ne le reçoit plus dans notre pharmacie depuis plusieurs jours", constate amèrement notre interlocuteur. Mais pourquoi les professionnels de la santé prescrivent-ils à leurs patients des médicaments qui n'existent pas dans la plupart des pharmacies ? Sollicités pour répondre à nos questions, certains soignants, dont l'infectiologue Nedjma Redas, de l'hôpital Hakim-Saâdane, dédié à la prise en charge des cas de Covid, soulignent à l'unisson : "Ce n'est pas la faute du médecin si cette pénurie de nombreux médicaments persiste. C'est comme pour l'oxygène. On ne peut s'en passer, mais il est rare. Même certains réactifs des bilans indispensables ont disparu, pas que les médicaments." Et l'infectiologue de s'interroger : "Est-ce maintenant la faute au médecin de demander au malade un bilan de santé ?" Essayant de comprendre les raisons principales de ce manque de médicaments, nos interlocuteurs font savoir que la réponse à une question pareille est du ressort des responsables concernés par ce dossier. H. BAHAMMA