Par : Omar Ramdane Djamal, un de tes voisins t'a surpris, le matin, quelque temps avant d'entamer ton voyage, au bas de l'immeuble, un petit chat dans tes bras. Questionné, tu as répondu : "Ce chat a mal aux yeux. Je lui mets quelques gouttes de sérum." Ce geste, c'est bien toi, Djamal ; sensible, généreux, humble. Tu entreprends ton ultime voyage. Rejoindre la Kabylie qui brûle, pour porter secours, aider à éteindre le feu qui dévore une région très chère pour nous. Dès ton arrivée, une horde de voyous t'a séquestré. Ils t'ont frappé, torturé, mutilé. Ils s'appêtaient à jeter ton corps si frêle dans les flammes. Ils t'ont tué ! De terribles images sur ton supplice inondent la Toile. C'est la consternation, l'horreur ! Comment ont-ils osé cela ! Ce crime soulève l'émotion générale, l'irréparable. La réaction de ton père Djamal fut courageuse, sublime. Il n'accusera pas la Kabylie, ni les Kabyles. Oui, Djamal, jamais nous n'oserons incriminer une région de notre pays, la sanctionner parce que de tristes individus l'ont trahie. Jamais ! Durant mon parcours, Djamal, j'ai rencontré de nombreux cadres, djoundis de notre Kabylie. Ils combattaient dans le Zaccar, à Bissa, à Amrouna, dans l'Ouarsenis et ailleurs. Ils s'appelaient Rezki, Saïd, Hocine, Moh Djemâa, Ahmed. Ils sont morts, martyrs du devoir, loin de leur chère Kabylie. La libération du pays fut l'œuvre de tous les Algériens : des ruraux, des citadins, Chaouis, Kabyles, Algériens de l'Est, de l'Ouest, du Sud, émigrés, hors du pays. Ce fut une union sacrée pour réaliser une grande œuvre : la libération du pays. Djamal, la ville qui t'a vu naître est fière de toi, elle est aussi fière de ton père, de sa sagesse. Miliana jouit d'un glorieux passé. Elle a accueilli l'Emir Abdelkader, venu de l'Ouest. Elle lui prêta allegeance, lui resta fidèle. Il en fit un khalifat et nomma à sa tête Ben Allal. La ville résista vaillamment aux troupes de l'occupant. Acculés, ses habitants n'hésitent pas à brûler leurs commerces, leurs biens avant de se retirer dans les monts du Zaccar. Dans un passé plus proche, Miliana vit naître Mohamed Bouras, fondateur des Scouts musulmans algériens (SMA). Il est fusillé par les Français pendant le Seconde Guerre mondiale, en 1941, au Caroubier, à Alger. C'est aussi la ville de Mustapha Ferroukhi, militant du PPA- MLTD, député en 1948. Nommé ambassadeur du GPRA en Chine, il meurt avec sa femme et ses trois enfants dans l'avion qui l'amenait à Pékin, le 17 août 1960. Miliana, c'est aussi la ville qui vit naître Ali la Pointe, de son vrai nom Ali Amar. Il est le chef fidaï à Alger ; surpris dans son refuge à La Casbah en octobre 1957 ; encerclé, il refuse de se rendre. Djamal, avant de conclure, je souhaite évoquer un autre Djamal, natif comme toi de Miliana, Kacedali Faouzi, qui eut une mort héroïque. Encerclés dans leur refuge aux Annassers, à Miliana, Faouzi décide de tenter une sortie en solitaire et de frayer une voie à ses compagnons. Il succomba sous un feu nourri de l'ennemi. C'était en décembre 1961. Djamal avait 19 ans.