En attendant les décisions de la Cédéao qui s'est réunie hier pour discuter du coup d'Etat en Guinée, les putschistes continuent de faire des gestes envers la classe politique afin de faire accepter "la justesse" de leur acte. Au total, 79 détenus politiques incarcérés à la prison centrale de Conakry pour des manifestations politiques contre le président déchu ont été libérés mardi par les auteurs du coup de force, ont indiqué des médias citant des sources militaires. Pour cette libération, plusieurs camions militaires ont été envoyés par le Comité national de rassemblement et de développement (CNRD) afin de sortir des cellules les détenus concernés par cette mesure. Les prisonniers politiques libérés sont membres des partis politiques de l'opposition et des organisations de la société civile guinéenne, qui s'étaient opposés au troisième mandat du président Alpha Condé. De même, les auteurs du coup de force ont décidé de la réouverture des locaux du parti politique de l'opposition radicale dénommé Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), fermés depuis plusieurs mois par le pouvoir sortant de Conakry. Conséquences économiques immédiates du putsch, les prix du bauxite, dont regorge la Guinée, ont enregistré un grand bond. La prise de pouvoir par des putschistes en Guinée a suscité des inquiétudes pour sa stratégique industrie minière, en particulier pour l'accès à ses énormes réserves en bauxite, le principal minerai nécessaire à la production d'aluminium. Le prix de ce dernier atteint actuellement des records. Mais la menace pour la chaîne de production mondiale semble contenue pour le moment. Les militaires menés par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, peuvent se prévaloir d'une certaine popularité, comme en attestent les manifestations de sympathie de la population dans différents quartiers de Conakry, encore alimentée par la libération mardi soir d'un premier groupe de dizaines d'opposants au régime déchu. La Cédéao, qui a condamné la prise de pouvoir éclair et l'arrestation de M. Condé dimanche, doit se réunir en sommet extraordinaire virtuel à partir de 14h GMT. L'organisation régionale se retrouve dans une situation comparable à celle qu'elle a connue lors d'un putsch similaire au Mali voisin en août 2020. Elle avait alors pris des sanctions essentiellement économiques – arrêt des échanges commerciaux hors produits de première nécessité, fermeture des frontières – et suspendu le pays de l'organisation. Ces sanctions avaient été levées à la suite de l'engagement des militaires maliens sur la voie d'une transition de 18 mois maximum pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d'élections. L'épilogue de plus de dix années de régime d'Alpha Condé a suscité une large réprobation internationale et des appels à la "libération immédiate" de M. Condé et au rétablissement de "l'ordre constitutionnel" dans ce pays pauvre aux importantes ressources minières, notamment de bauxite. Les putschistes, qui ont promis une "concertation" nationale en vue d'une transition politique confiée à un futur "gouvernement d'union nationale" disent avoir agi pour mettre fin à "la gabegie financière" et au "piétinement des droits des citoyens". Les militaires ont instauré un couvre-feu et fermé les frontières, avant d'en annoncer lundi la réouverture. Aucun décès lié au putsch n'a été rapporté officiellement, mais des médias guinéens ont fait état d'une dizaine à une vingtaine de morts dans les rangs de la garde présidentielle, des informations invérifiables faute d'accès aux hôpitaux. Les photos et noms d'au moins une dizaine de victimes, accompagnés de messages de condoléances, circulaient sur les réseaux sociaux.