La chronique politique algérienne est rythmée par une vague incessante d'emprisonnements ciblant des militants du Hirak et autres activistes faisant planer un climat de peur généralisée. Les défenseurs des droits de l'Homme s'en inquiètent sérieusement. Atteinte à l'unité nationale, incitation à attroupement non armé, diffusion d'informations mensongères sur les réseaux sociaux, atteintes aux symboles de l'Etat, non-respect des mesures barrières en période de confinement : les chefs d'inculpation se suivent et se ressemblent contre des militants, activistes, femmes, hommes, universitaires, journalistes ou encore des personnes âgées. Même les handicapés ne sont pas épargnés. Abdenour Saïdi, amputé des deux jambes, a été placé sous mandat de dépôt, le 14 septembre dernier, en raison de soupçons d'appartenance au Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), classé comme organisation terroriste. Il a été finalement libéré hier, après l'étude de son dossier par la chambre d'accusation du tribunal de Sidi M'hamed, à Alger. À Skikda, Bellam Ahcen, un non-voyant, qui a été arrêté le 5 août dernier a également été relâché, mardi 28 septembre. Dans cette nouvelle vague d'arrestations, la plupart des personnes appréhendées par les services de sécurité sont placées aussitôt sous mandat de dépôt. Sur la page Facebook du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), il n'y a pas un jour sans que les avocats recensent une dizaine de personnes jetées en prison dans tout le pays : Alger, Tizi Ouzou, Annaba, Sidi Bel-Abbès, Oran, Tiaret, Tébessa et Saïda. Depuis quelques semaines, le rythme des emprisonnements contre ceux qui expriment pacifiquement leurs opinions s'est nettement accéléré, avec ce recours systématique à la détention provisoire, censée pourtant être une mesure dictée par des raisons purement exceptionnelles. Résultat : pas moins de 205 personnes croupissent dans les prisons aujourd'hui, selon la liste des détenus, actualisée mardi 28 septembre et publiée sur la page Facebook du CNLD. Un chiffre qui est appelé à augmenter, selon plusieurs observateurs, qui expliquent cette nouvelle vague d'arrestations par l'approche des échéances électorales. Comme cela a été le cas avant l'élection présidentielle de 2019 et les élections législatives de juin 2020, il semblerait que les autorités aient reproduit la même vaste opération d'arrestations, à un mois des locales, prévues le 27 novembre prochain. Mais au moment où tout le monde s'attend à des mesures d'apaisement, en vue justement de tenir ces élections dans des conditions sereines, voilà que le pouvoir multiplie les arrestations, en installant un climat de terreur dans la société. Pour d'autres, ces arrestations sont motivées par la volonté de la classe dirigeante d'en finir avec le mouvement insurrectionnel du Hirak. "Le pouvoir s'est fixé comme objectif de mettre un terme définitif au mouvement populaire du Hirak. Tous les militants et activistes ayant participé de manière directe aux manifestations populaires sont appréhendés et jetés en prison", explique le politologue Mohammed Hennad. Pour preuve, même après la suspension des marches, depuis plusieurs mois, les services de sécurité continuent d'interpeller les hirakistes. Exemple édifiant : pas moins de 44 citoyens de la commune de Haïzer, à Bouira, sont ainsi convoqués pour comparaître devant la chambre d'accusation, le 5 octobre prochain. Ces citoyens seront entendus pour des faits liés à leur participation au Hirak, selon un communiqué rendu public, lundi, par la fédération du parti du FFS, qui dénonce de "telles pratiques et harcèlement visant à faire taire et museler toutes les voix s'opposant aux orientations et choix du pouvoir". Même le motif lié à l'"appartenance à un groupe terroriste", brandi par les autorités pour justifier l'arrestation de plusieurs personnes, depuis le mois d'août notamment, est remis en cause par certaines organisations des droits de l'Homme. Mardi, l'organisation non gouvernementale Amnesty International a appelé les autorités algériennes à cesser de poursuivre des militants pacifiques sous prétexte d'activités terroristes "infondées". L'ONG demande notamment la libération des journalistes Mohammed Mouloudj et Hassan Bouras.