Le dinar ne devrait pas se redresser de sitôt, puisque dans les prévisions du gouvernement contenues dans l'avant-projet de loi de finances 2022, l'Exécutif prévoit de nouvelles dépréciations de la monnaie nationale sur la période 2022-2024. Le projet de budget pour 2022 table, en effet, sur un taux de change du dinar de 149,3 DA pour un dollar l'an prochain, de 156,8 DA/dollar en 2023 et 164,6 DA/dollar en 2024. Après avoir affiché un repli chronique depuis la deuxième moitié de 2014 par rapport aux principales devises d'échange, l'euro et le dollar, la monnaie nationale devrait refluer davantage sur la période 2022-2024, malgré une nette remontée des cours du brut qui ont une incidence directe sur les fondamentaux de l'économie nationale. La dépréciation du dinar attendue sur les trois prochains exercices est d'autant plus importante qu'elle risque d'effacer les rares avantages concédés au profit des ménages et des entreprises dans la même feuille de route budgétaire de 2022. Dans les cotations commerciales du dinar de cette semaine, le dollar s'échange contre 137,12 DA, alors que l'euro vaut 159,13 DA sur le marché interbancaire des changes. Les nouvelles projections du gouvernement montrent qu'aucun répit n'est à prévoir sur la courbe des trois prochaines années. Face au billet vert, c'est une dépréciation d'environ 16% sur les trois prochains exercices dont il s'agit. Cette perspective de nouvelles dépréciations de la monnaie nationale profiterait, bien évidemment, à la fiscalité pétrolière libellée en dinar ; laquelle devant augmenter artificiellement, alors que les coûts de l'importation s'inscriront en hausse dans le sillage de cette érosion monétaire. Dit autrement, cette dépréciation du dinar, la énième depuis 2014, renchérit les coûts à l'importation et fait augmenter les recettes en dinar de la fiscalité pétrolière. Sauf que, mathématiquement, ces nouvelles dépréciations ne seront pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises, car porteuses de risques inflationnistes et de hausse des prix à l'importation et à la production. Depuis quelques années déjà, chefs d'entreprises et économistes alertaient sur l'effet retour de manivelle de l'usage excessif du dinar dans le paramétrage macroéconomique. Les députés vent debout contre l'érosion monétaire Cette semaine encore, les députés siégeant dans la commission des finances et du budget de l'Assemblée nationale ont demandé au gouvernement "d'œuvrer pour arrêter la baisse de la valeur du dinar par rapport aux monnaies étrangères, étant donné que la valeur de la monnaie nationale est étroitement liée au taux d'inflation et au niveau du pouvoir d'achat". Ces inquiétudes sont, quelque peu, justifiées, étant donné l'impact de l'érosion monétaire de ces dernières sur le pouvoir d'achat aussi bien des ménages que des entreprises. Cette année, le dinar a continué de perdre de sa valeur, se repliant légèrement par rapport à 2020. Il avait perdu alors 5,9% contre le billet vert et 7,7% face à la principale devise du Vieux Continent. En 2020, le dinar s'est échangé, en moyenne annuelle, à 126,82 DA pour un dollar et à 144,85 DA pour un euro, contre, respectivement, 119,36 DA/dollar et 133,71 DA/dollar, en moyenne annuelle en 2019. Il est vrai que la dépréciation du dinar a contribué depuis 2014 à amortir, en partie, l'impact de la chute des prix du pétrole sur l'économie, mais cette perte de valeur n'a pas été sans conséquence. Ce pourquoi, après les dépréciations importantes qu'a connues la valeur de la monnaie nationale ces dernières années, la Banque d'Algérie est sortie de son silence courant 2019 pour dire que "l'ajustement du taux de change ne doit pas constituer le principal, voire l'unique levier d'ajustement macroéconomique". Pour être efficace, souligne la Banque centrale, "il doit accompagner la mise en œuvre effective d'autres mesures et politiques d'ajustement macroéconomique, notamment budgétaire, aux fins de rétablir durablement les équilibres macroéconomiques, et de réformes structurelles aux fins d'asseoir une diversification effective de l'économie et in fine une hausse de l'offre domestique de biens et services". Force est de constater que deux années après, les mises en garde de l'institution monétaire, le gouvernement n'est pas près d'abandonner de sitôt l'ajustement du taux de change du dinar à des fins de paramétrage macroéconomique. En témoignent les anticipations contenues dans le cadrage macroéconomique de la période 2022-2024.