Dans cet ouvrage publié au mois d'octobre, l'auteur Yahia Boubekeur sort des sentiers battus pour évoquer de manière originale un pan sinistre de notre histoire : les enfumades de Ouled Riyah. Il déconstruit le récit des autorités coloniales, notamment celles de Pélissier (duc de Malakoff) et d'autres commanditaires du corps expéditionnaire français qui justifiaient les crimes perpétrés. L'auteur Yahia Boubekeur repart sur les sentiers de la mémoire et de l'Histoire pour restituer de manière originale les crimes de la France coloniale. Il est question en effet dans ce second ouvrage de l'auteur, intitulé Mon Algérie à moi, le café Malakoff (éditions TPA), des enfumades du Dahra perpétrées par Pélissier, promu duc de Malakoff, maréchal et ambassadeur de Londres pour services (crimes) rendus à la France coloniale. Boubekeur convoque d'outre-tombe Pélissier pour son propre procès, au nom de toutes les victimes qui n'ont pu se défendre face à la déferlante de haine et le feu qui les consumera. "Nous avons entre nous ma propre histoire, que je découvre à travers la tienne. C'est toi-même qui l'avais rédigée. Tu en avais fait une référence. Je m'en réfère alors pour écrire celle des victimes." Il déconstruit le récit et les déclarations de Pélissier et d'autres commanditaires du corps expéditionnaire français, "des faits que je vais étaler entre nous, afin de tordre le cou à ton histoire (...) De ton propre témoignage, et des correspondances, que tu tenais, je prélève les faits et les râles du dernier souffle de vie d'une tribu que tu avais éteinte. Elle s'était retranchée dans une grotte qu'elle avait coutume de rejoindre à ses défaites", écrit-il. Un pan de l'histoire survenu entre le 18 et le 20 juin 1845, et durant lequel périra toute la tribu (hommes, femmes et enfants) des Ouled Riyah, alliés du cheikh Boumaza. La technique de Pélissier fut utilisée auparavant par Bugeaud. L'ombre des sinistres personnages planent sur tout l'ouvrage. Yahia Boubekeur s'appuie en outre sur des archives pour acculer le caractère non prémédité des actes barbares commis contre une population livrée à elle-même. "(...) Mais ces lois n'ont été positivement violées ni par le colonel Cavaignac, chez les Sbiah, ni depuis par le colonel A. Pélissier, chez les Ouled Riyah. Si ces officiers n'ont pas trouvé dans leur cœur quelque chose qui les aurait empêchés d'arriver jusqu'aux dernières limites de ce que les lois permettent, c'est que probablement les cruautés commises par les insurgés étaient de nature à ne pas disposer à l'indulgence". Sur les traces des victimes, Boubekeur se rend ainsi sur le lieu même des massacres, pénètre à l'endroit même où des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont perdu la vie, alors que leur seul tort était d'avoir défendu leur terre, en comparant les auteurs de la tuerie aux nazis : "Les mêmes images se collent à celles qui parcourent les pages écrites par ce juif qui se met dans la tête d'un nazi, un siècle après Pélissier. Il s'était amusé à exterminer son propre peuple pour voir l'effet que cela faisait dans sa tête. Certains avait crié au scandale sans savoir que son ouvrage apparaissait comme une reconstitution du crime nazi." L'auteur revient dans la troisième partie de son ouvrage sur la tribu des Ouled Riyah, quelques jours avant l'invasion de l'armée coloniale. Il narre à la manière d'un observateur les moments de doute des caïds et l'organisation de la tribu pour se parer à la guerre. Cette partie romancée nous plonge dans cette atmosphère où la terreur se mêle au courage. L'histoire retiendra que les crimes commis sont restés impunis. Mais l'auteur, par son travail de restitution, contribue à lever le voile sur des zones d'ombre entretenues par l'armée coloniale, pour que nul n'oublie le vrai visage de la supposée "mission civilisatrice" prônée autrefois.
Yasmine Azzouz
Yahia Boubekeur, Mon Algérie à moi, le café Malakoff, éditions TPA, 140 pages. 2021.