Résumé : Samir rejoint sa femme. Cette dernière ne veut pas se départir de son voile. Ne voulant pas la brusquer, le jeune marié tente de la détendre en lui proposant un thé. Mais Mordjana ne bronche pas. Elle a si peur de sa réaction. Pourtant, lorsqu'il réussit enfin à lui retirer le voile, elle est si charmée par sa beauté qu'elle ne cesse de le dévisager. -Alors, tu as terminé de me dévisager ? Elle sursaute. S'est-elle oubliée devant cet homme qu'elle connaissait à peine ? - Heu... Excuse-moi. Je... je ne voulais pas être désagréable. Il sourit, et le cœur de la jeune fille chavire. Un sourire à damner une sainte, se dit-elle. Instinctivement elle porte la main à sa joue, mais il arrête son geste. - Oublie un peu ça, veux-tu ? - Heu... J'ai... j'ai une tache de naissance. Je... - Oui. Je le sais. Je vois. - Alors, je... - Alors, tu avais peur de ma réaction. Tu craignais que je ne te répudie, Mordjana ? Il secoue la tête. - Non. Je n'ai pas le droit de faire ça. Je n'ai pas le droit de t'humilier. Nos pères respectifs ont déjà blessé notre susceptibilité. Je n'aimerais pas t'offenser davantage. Mordjana garde le silence. Samir avait-il pitié d'elle ? Etait-ce de la pitié uniquement ? Comme s'il lisait dans son esprit, il poursuit : - Et, crois-moi, ce n'est pas de la pitié. Je m'adresse à toi en tant que mari. Il sourit encore avant de demander : - Et moi, comment me trouves-tu ? Ses yeux de couleur noisette semblent fouiller dans son regard. Elle baisse les siens avant de murmurer : - Heu... je te trouve... Je te trouve bien beau. Toi tu n'es pas affublé d'une calamité congénitale. - Nous nous sommes mis d'accord pour oublier cette "calamité", Mordjana. Ce soir, nous faisons connaissance. Nous avons toute la vie devant nous pour reparler de ce sujet qui te torture tant. Elle soupire. - Je ne sais quoi te dire. Il prend la tasse de thé déposée sur la table de nuit et la lui tend. - Bois ton thé. Il est encore chaud. Il prend l'assiette de gâteaux et l'exhorte à en prendre un. - Mange. Tu dois avoir bien faim. - Pas vraiment. J'ai déjà dîné. Il secoue la tête. - Je devine que tu n'as pu avaler que quelques cuillerées de couscous. L'angoisse te tordait l'estomac et tu ne pouvais rien avaler. Mordjana boit une gorgée de thé et mord dans le gâteau. - Facile à deviner pour un homme tel que toi. - Un homme tel que moi ? Qu'ai-je donc de spécial ? - Tu es instruit. Et je devine à mon tour que tu es très intelligent. Il sourit et lui étreint le bras. - Mordjana, on m'avait dit que tu avais fait des études toi aussi. Elle dépose sa tasse et hausse les épaules. - Drôle d'études. J'ai terminé les cycles primaire et moyen. Alors que je décrochais mon brevet et m'apprêtais à m'inscrire dans un lycée, ma mère s'est opposée à mes projets. Je suis l'aînée de la famille, donc toute désignée à la remplacer auprès de sa marmaille. Samir la regarde un moment, puis demande : - Tu veux reprendre tes études, Mordjana ? Elle avale un bout de gâteau avant de lui répondre : - Même si c'est le cas, je n'ai plus l'âge d'être scolarisée. Je ne pourrai plus rattraper le temps perdu. Il secoue la tête. - Peut-être pas au lycée, mais tu pourras toujours entamer une formation. Ce ne sont pas les centres qui manquent dans notre ville. Elle ouvre de grands yeux. - Tu veux dire que je pourrai m'inscrire pour une formation ? Tu... tu parles sérieusement, Samir ? - Je n'ai jamais été aussi sérieux de ma vie. Je veux te voir heureuse, Mordjana. Il soupire avant de poursuivre : - Les circonstances de notre mariage suffisent déjà à nous frustrer, pourquoi s'encombrer d'interdits et de tabous ?
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