Les crédits à l'investissement n'ont connu qu'une très faible évolution cette année, et ce, malgré l'amélioration de la liquidité bancaire. L'année 2021 aura été difficile pour les entreprises de sortir d'une crise pandémique qui a fait tousser plusieurs d'entre elles. Portées par un appétit post-Covid pour les investissements, les entreprises se voient freinées dans leur élan par de très fortes difficultés d'accès aux crédits bancaires. Sa récente rencontre avec les responsables des banques commerciales était l'occasion pour le gouverneur de la Banque d'Algérie, Rosthom Fadli, de pointer un chemin semé d'embûches pour les entreprises en quête de financements. Non seulement les banquiers étaient peu souples à la manœuvre, mais certains d'entre eux continuaient même à appliquer des mesures de recouvrement "coercitives", telles que l'application de pénalités de retard sur le paiement des échéances de crédit et l'émission de saisies-arrêts à l'encontre de leur clientèle en difficulté, en contradiction avec les mesures prises par la Banque centrale à l'effet de juguler les effets négatifs du choc pandémique sur les entreprises. L'absence d'accompagnement bancaire se fait déjà durement sentir chez les entrepreneurs, ces derniers soulignant carrément une "crise de crédits à moyen et long termes". Les banquiers misent davantage sur les crédits de fonctionnement et à court terme plutôt que sur des crédits d'investissement, une tranche sur laquelle l'activité crédit était plutôt lourde, voire en crise, témoigne Ali Hamani, président de l'Association des producteurs algériens de boissons (Apab). Ce n'est pas pour rien que les crédits à l'économie n'ont évolué que de 3,82% à l'issue des dix premiers mois de l'année, une faible évolution qui s'apparente à une lame de fond, voire à un mouvement chronique qui tire sa source de plusieurs facteurs. "Les entreprises en souffrent énormément. L'accès aux crédits de fonctionnement de court terme est privilégié par rapport aux crédits d'investissement, d'acquisition ou de renouvellement des équipements ainsi que ceux dédiés à l'extension des investissements", souligne Ali Hamani, contacté, hier, par Liberté. Notre interlocuteur dit ne pas comprendre cette "frilosité excessive" des banquiers, et évoque "un grave déficit de confiance" chez certains d'entre eux. Un coup dur pour les investisseurs en cette année 2021 qui devait être celle de la relance après les deux années chaotiques 2019 et 2020. En cause : des banques publiques qui, d'un côté, ont peur de prendre des risques en raison de la pénalisation de l'acte de gestion qui, dans les faits, reste suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des banquiers. Et, de l'autre, des banques privées qui semblent inquiètes de la situation économique et dont le "risque pays" s'est dégradé ces dernières années, explique Slim Othmani, président du Cercle d'action et de réflexion pour l'entreprise (Care). Plus explicite, Slim Othmani dit avoir constaté une faible évolution des crédits à l'investissement malgré la hausse de la liquidité bancaire, ce qui signifie, selon lui, que "la peur du risque a augmenté". Même son de cloche chez un autre membre du Care, qui dit avoir constaté un véritable "traumatisme bancaire". Voilà plusieurs mois que la place bancaire valse au rythme des condamnations et des verdicts incriminant responsables politiques et cadres dirigeants dans diverses affaires. Les conséquences sur le moral des banquiers sont pour le moins évidentes et les coûts sont devenus tout aussi intenables pour les investisseurs. "Alors que les banquiers publics continuent à faire face aux conséquences de cette situation, ceux du secteur privé se heurtent à une hausse des créances en raison des engagements importants de certaines banques. Le sentiment des banquiers, aujourd'hui encore, est qu'ils peuvent se retrouver en prison pour de simples erreurs de gestion", explique notre interlocuteur. "Se remettre de ce traumatisme demande du temps et de la confiance", estime-t-il. Ainsi, malgré les tentatives entreprises de part et d'autre pour désamorcer la crise de signature au niveau des banques, dans les faits, les banquiers se sentent pris comme dans un sacré étau. Devant cette crise, c'est l'investissement qui en pâtit. Preuve en est qu'une dizaine de conserveries – et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres – sont à l'arrêt à l'est de pays, faute de "crédits de campagne", de surcroît à court terme.