Dans cet entretien, le Dr Yahia Mekki, spécialiste en virologie à l'université Claude-Bernard à Lyon, expert auprès du ministère de la Santé (République française) et expert auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a bien voulu répondre aux questions de "Liberté". Liberté : Comment est la situation pandémique au niveau mondial et faut-il avoir peur du nouveau variant, à savoir Omicron ? Dr Yahia Mekki : Actuellement en Europe, on est en plein pic de la cinquième vague avec le Delta qui sera suivie d'une sixième vague avec l'Omicron. On peut d'ores et déjà dire que l'Omicron est très virulent et très transmissible, mais moins pathogène. Pour le moment, il y a cohabitation des deux variants. En France, par exemple, sur les 106 000 cas enregistrés vendredi, l'on compte entre 40 et 50% d'infections par l'Omicron, et dire qu'il y a une semaine, nous étions à des contaminations à 100% Delta. Cela prouve la rapidité de la transmission du virus et sa cohabitation avec le Delta. En Grande-Bretagne et en Suisse, pour le variant Omicron, les études ont démontré qu'un patient zéro (trace) peut contaminer jusqu'à 10 personnes, soit une contagiosité entre six et dix fois plus que le Delta. L'on parle aussi de multiples, soit exactement quarante-quatre mutations de la protéine Spike pour l'Omicron contre seulement trois mutations pour le variant Delta, ce qui lui confère un taux très élevé de transmission. Les autorités sanitaires américaines et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) craignent ainsi un débordement dans les hôpitaux et surtout un effondrement des systèmes de santé, et du coup, des Etats. D'habitude, entre une vague et l'autre, il y a quatre mois de latence, cependant, cette fois, on s'attend à une nouvelle vague juste après la rentrée des classes. L'Algérie a enregistré deux cas de contamination par l'Omicron dont le premier d'un ressortissant étranger. Faut-il tirer la sonnette d'alarme ? Pour l'Algérie, certes deux cas, ce n'est rien, mais si nous ne faisons pas le nécessaire en les isolant et en cherchant minutieusement la traçabilité pour connaître, à travers des enquêtes épidémiologiques bien menées, à savoir les moyens de transport qu'ils ont empruntés, les personnes qu'ils ont rencontrées (cas contacts), nous courrons vers la catastrophe. Il faut vraiment surveiller de près et observer, autrement, le virus continuera de se répandre et il sera très difficile de le maîtriser. Tout en espérant en rester à ces chiffres, la quatrième vague est là et l'on enregistre 300 cas par jour. Cependant, il est à retenir qu'une même personne pourrait contracter les deux variants en même temps. Nous pouvons aussi préciser que 94% des patients hospitalisés dans les services de réanimation ne sont pas vaccinés, d'où la nécessité de se faire vacciner. Et plus on reçoit les doses de rappel, plus on est protégé des formes graves et, du coup, on peut éviter l'hospitalisation, notamment en réanimation. Devant la flambée des cas, faut-il systématiquement recourir au confinement ? En Angleterre, par exemple, ils ont enregistré vendredi pas moins de 60 000 cas de contamination, d'où la probabilité de recourir au confinement. Cependant, pour faire face à n'importe quelle vague, il n'y a pas mieux que la vaccination. Il est à préciser que 99% des patients hospitalisés dans les services de réanimation ne sont pas vaccinés, d'où la nécessité de se faire vacciner. Mieux encore, plus on reçoit les doses de rappel, plus on est protégé des formes graves. C'est ce qui a été confirmé par plusieurs enquêtes et études aux quatre coins du monde. Faut-il vacciner les enfants et les femmes enceintes ? Avant tout, pour éviter la catastrophe, il faut vacciner les adultes. En Algérie, on est entre 20 à 30% de vaccination. C'est peu ! En effet, il faut trouver un moyen pour vacciner d'abord au moins 70% du personnel hospitalier et les adultes dont les personnes âgées et les malades chroniques, ensuite, s'il nous reste des doses, il faut programmer les enfants souffrant de maladies chroniques et les femmes enceintes à n'importe quel stade de la grossesse. Les vaccins acquis par l'Algérie, notamment le Sinovac, sont toujours efficaces contre les nouveaux variants, et il faut en profiter.