Les zones franches doivent faire l'objet d'une véritable viabilisation en y édifiant toutes les infrastructures nécessaires. Les pouvoirs publics viennent d'évoquer à nouveau l'opportunité de créer des zones franches, une option délaissée depuis de longues années. Même la première zone franche, créée en 1997 à Bellara, dans la wilaya de Jijel, a été aussitôt transformée en zone industrielle d'intérêt régional à cause de son incapacité à attirer les investisseurs. Pour convaincre ces derniers, l'Exécutif juge utile de raviver la réflexion autour de cette politique. Un avant-projet de loi relatif à ces espaces d'investissement a même été présenté, il y a une semaine, par le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, lors d'une réunion du gouvernement. Tout en saluant cette initiative, des observateurs mettent l'accent sur la nécessité de mieux préparer sa mise en œuvre. De prime abord, l'intitulé "zone franche" doit être changé tel que cela est pratiqué de par le monde, estime le président de l'Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri. Car, explique-t-il, ces zones sont exclues des avantages de préférences tarifaires dans le cadre des accords d'association. En termes plus clairs, les produits issus de ces zones, qui sont à vocation d'exportation, sont exclus de la préférence tarifaire des accords, comme c'est le cas de l'Algérie avec l'Union européenne et la Grande zone arabe de libre-échange (Gzale). En plus, ces zones franches sont considérées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) comme une concurrence déloyale car on n'y paye pas de droits et taxes et on y bénéficie d'autres avantages, argue M. Nasri. Ces espaces peuvent être dénommés, suggère notre interlocuteur, à titre d'exemple, "zones d'activité économique et de promotion des exportations" ou "zones industrielles pour la promotion des exportations", ou "zones de promotion des investissements"... Le président de l'Anexal propose un certain nombre de préalables pour la création de ce type de zones. Etant donné qu'il s'agit de zones destinées à attirer et accueillir les investissements directs étrangers (IDE) et tenant compte du fait que ce sont des espaces considérés en dehors du territoire douanier national où les règles relatives au commerce extérieur – tels les contrôles des changes et douanier – ne sont pas appliquées car libérales, l'Etat est-il en mesure d'aller jusqu'à faire autant de concessions à ce propos ? L'autre préalable soulevé par notre source concerne la situation de ces zones, qui doit être impérativement au niveau des ports. Le port de Ghazaouet dans la wilaya de Tlemcen est, de l'avis de M. Nasri, le mieux indiqué pour y implanter une zone dédiée à l'export, parce qu'il est le plus proche de l'Europe. Port de Ghazaouet, un choix stratégique Ce choix près des ports est motivé, entre autres avantages, par la réduction des coûts. "Dans une première phase, le port de Ghazaouet est un endroit idéal d'autant qu'il dispose d'une superficie avoisinant les 300 hectares", indique Ali Bey Nasri. En outre, ces zones doivent faire l'objet d'une véritable viabilisation en y édifiant toutes les infrastructures nécessaires. La deuxième zone pourrait être implantée à Bellara. Pour lui, il est indispensable que l'Etat identifie les objectifs assignés à la création de zones franches. "À commencer par la définition de la nature des investissements qui doivent être consentis...", suggère-t-il. Ces projets d'investissement doivent insérer l'Algérie, affirme notre interlocuteur, dans la chaîne des valeurs internationales. Des critères doivent être définis pour la sélection des entreprises et des secteurs sur lesquels l'Algérie compte se positionner dans le monde. Les secteurs d'activité que notre pays souhaite développer à l'international doivent être également connus au préalable. Ils doivent être indubitablement des secteurs du futur, des métiers d'avenir à même de capter les produits à haut contenu technologique. L'on peut citer la voiture électrique, la pharmacie, les services, le digital... "Il ne faut pas que notre pays soit un territoire de sous-traitance, mais qu'il accueille un transfert technologique réel", précise-t-il. Plus explicite, M. Nasri met en avant l'impératif du transfert de technologie que l'Algérie doit exiger de ses futurs partenaires. Ce qui va profiter à coup sûr aux producteurs locaux qui bénéficieront d'une montée en gamme de leurs produits. Si ces entreprises activant à l'intérieur de ces zones pourront importer dans un premier temps, elles sont tenues par la suite de s'approvisionner chez ces sociétés qui ont bénéficié de transfert technologique. Ce qui permettra l'émergence d'une sous-traitance locale compétente et efficiente. La ressource humaine nationale doit être aussi recrutée par ces investisseurs et le gain en termes de recettes en devises doit, en outre, être conséquent. Par ailleurs, l'exonération fiscale, lance notre source, ne doit pas être accordée ad vitam æternam. Ces avantages fiscaux peuvent s'étaler sur 5 ans, puis doivent être réduits progressivement. Dans ces zones, l'opérateur doit exporter la totalité de sa production. Dans le cas contraire, l'Etat doit fixer un taux entre 20 et 25% de son chiffre d'affaires lié au restant de la marchandise non exportée, que ce producteur pourra écouler sur le territoire douanier national. Ainsi, l'acheteur devient, dans pareil cas, importateur et doit s'acquitter des droits et taxes.