Tony Blair n'a rien fait pour freiner les Etats-Unis avant l'invasion de l'Irak, ce qui a contribué à l'anarchie actuelle dans le pays, a déclaré l'ancien ambassadeur britannique à Washington, Sir Christopher Meyer, dans des extraits de ses mémoires publiés hier dans la presse. Le Premier ministre et son entourage étaient “séduits par la proximité et le côté glamour de la puissance américaine” et n'ont pas cherché à négocier des conditions à la participation à la guerre de quelque 45 000 militaires britanniques, estime-t-il dans son livre intitulé DC Confidential, dont le Guardian et le Daily Mail ont publié hier des extraits. Ambassadeur à Washington dans les mois précédant la guerre, jusqu'en février 2003, Sir Christopher estime que Tony Blair aurait pu jouer de son influence aux Etats-Unis, mais ne l'a pas fait. “Nous étions peut-être l'associé mineur dans l'entreprise, mais l'atout dans notre manche était que l'Amérique ne voulait pas y aller seule”, explique l'ex-ambassadeur qui a depuis quitté la diplomatie et préside l'organisme d'autorégulation de la presse britannique.“Si la Grande-Bretagne avait insisté, l'Irak après Saddam Hussein aurait peut-être évité la violence qui se révélera peut-être fatale à toute l'entreprise”, ajoute l'ancien ambassadeur, resté aujourd'hui favorable à l'invasion militaire de l'Irak. Il regrette toutefois que Tony Blair n'ait pas marchandé son soutien au président George Bush, pour notamment obtenir un délai de quelques mois qui aurait permis aux inspecteurs de l'Onu de poursuivre leurs recherches d'armes de destruction massive, ou d'obtenir le soutien de Paris et Moscou. L'ancien diplomate accuse Tony Blair de faiblesse pour n'avoir pas eu de “discussion franche” avec George Bush. “Est-ce que Blair a dit à Bush dans des termes clairs et explicites qu'il serait dans l'incapacité d'apporter son soutien à une guerre si les demandes de la Grande-Bretagne n'étaient pas remplies ? J'en doute”, écrit Sir Christopher. Il précise que l'ambassade de Grande-Bretagne à Washington a conseillé à plusieurs reprises à Downing Street d'utiliser sa marge de manœuvre, mais n'a pas été entendue. Sir Christopher révèle que Lewis Libby, à l'époque directeur de cabinet du vice-président américain Dick Cheney, lui avait dit que “nous étions les seuls alliés qui comptent. C'était un levier puissant”. Mais Londres s'est montré imperméable à “la notion de levier ou à l'adoption d'une position de négociation ferme qui doit parfois être adoptée même avec des alliés, comme Churchill le fit avec Roosevelt ou Thatcher avec Reagan”, écrit-il. “Le verdict de l'Histoire sera probablement que l'invasion de l'Irak a eu des défauts rédhibitoires à la fois dans sa conception et son exécution”, estime-t-il. Ces révélations interviennent alors que Tony Blair est en position vulnérable dans son propre parti et que le débat sur les justifications de la guerre en Irak est relancé aux Etats-Unis avec l'inculpation et la démission de M. Libby.