Résumé : La soirée se déroule dans une bonne ambiance, mais Saléha se tient à l'écart des autres et se mure dans un silence de plomb. Pour elle, Samir n'est là que pour les narguer avec son savoir-vivre et ses bonnes manières. Maroua explique à sa sœur que sa mère a beaucoup changé depuis son mariage. Aïssa est le premier responsable de tout ce qui leur arrive. Les hommes discutent bruyamment. Safa vient de débarrasser la table et remplit des verres de thé. Elle lève les yeux vers Mordjana et sourit en proposant : - Un thé ou un café ? - Je ne prends rien, Safa. Tu es devenue une véritable fée de foyer. - Il fallait bien te remplacer. - Oui. Lorsque je me suis mariée, tu étais encore une fillette qui dormait en serrant sa poupée contre elle. - J'ai grandi depuis. - Ah ! Je me rappelle. Tu viens d'avoir quatorze années aujourd'hui ! On va fêter ça dignement. Safa n'a pas le temps de protester. Mordjana se rend dans la cuisine et revient avec une grande tarte au chocolat, décorée de noisettes et de fruits. Elle tape dans ses mains, et tout le monde se tait. - Ecoutez-moi tous. Elle entoure de son bras les épaules de sa sœur et lance : - Ma petite sœur Safa fête ses quatorze ans aujourd'hui. Nous devrions tous honorer cet anniversaire qui tombe à pic en ce jour où je reviens à la maison après une absence de plus de deux années. Joyeux anniversaire, ma chère sœur. Elle la serre dans ses bras et laisse couler quelques larmes, alors que les autres reprennent en chœur : - Joyeux anniversaire, Safa. Joyeux anniversaire. La jeune fille, émue, s'enfuit dans la cuisine, et Maroua la rejoint pour la sermonner : - Tu n'as pas le droit de faire ça. Tu t'enfuis alors qu'on t'attend pour découper le gâteau. Safa sourit à travers ses larmes. - Je... je ne m'attendais pas du tout à ce qu'on fête mon anniversaire ce soir. Mordjana a acheté ce gâteau à mon insu. Elle n'a pas oublié. Comme à ses habitudes, elle voulait nous surprendre. - Alors, raison de plus pour lui rendre hommage. Elle lui pince le bras. - Déjà que maman n'est pas très tendre avec elle. Safa hoche la tête. - Oui. Je l'ai compris. Depuis qu'elle a appris que Mordjana allait nous rendre visite, elle n'a pas cessé de rouspéter contre le monde entier. On dirait qu'elle lui en veut de l'avoir quittée pour faire sa vie. - Tu parles ! Maman est plutôt jalouse d'elle. Mordjana mène maintenant une vie de rêve par rapport à ses souffrances passées et à tous les sacrifices qu'elle a endurés. Une voix leur parvient du salon : - Hé, vous deux, pourquoi tardez-vous tant à revenir ? Nous aimerions goûter à ce délicieux gâteau. Maroua pousse sa sœur devant elle. - Va rejoindre les autres. J'arrive avec les verres et la limonade. Tard dans la nuit, lorsque les lumières furent éteintes, Mordjana s'allonge sur un tapis à même le sol et tente de trouver un peu de repos. Samir dort déjà à poings fermés sur le canapé. Elle tend la main et touche son bras. Mais il pousse un grognement et se tourne sur le côté en tirant la couverture vers lui. Elle repense alors à l'accueil de sa maternelle et à sa froideur. Elle s'était attendue à être reçue à bras ouverts. Samir a-t-il deviné ce malaise entre elles ? C'est possible, se dit-elle. Son mari est quelqu'un qui a toujours été discret dans ses opinions, il ne va sûrement pas revenir sur ce sujet. Demain, elle avisera. Elle ira rendre visite à ses grands-parents. Ces derniers, à n'en pas douter, la recevront comme une reine. L'aube vient à peine de poindre que Maroua est déjà dans la cuisine. Une odeur de café se répand à travers la maison qui semble encore endormie. Mordjana s'étire avant de jeter un coup d'œil à sa montre. Il est encore trop tôt pour se lever. Cependant, elle décide de rejoindre sa sœur. Safa, déjà debout, pétrit le pain. Elle lui sourit. - Tu es déjà levée ? - Oui. Je n'ai pas oublié mes habitudes, tu sais. - Je comprends. Tu travailles et tu te lèves tôt pour t'acquitter de tes tâches ménagères avant de te rendre au travail. - Oui. C'est un peu ça. Je travaille à l'écart de la ville et je dois prendre quotidiennement deux bus pour arriver à destination. - Et Samir ? Il ne t'accompagne pas ? - Quand il n'a pas de travail, c'est lui qui me dépose. Mais lorsque ses affaires l'appellent ailleurs, je n'aime pas trop le déranger. Maroua dépose sur la table du lait, du café frais, du beurre, de la confiture et de la galette toute chaude. - Viens prendre ton petit-déjeuner, Mordjana. Je présume que tu vas sortir aujourd'hui.
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