Si le retrait annoncé de l'armée française du Mali pose, de nouveau, la lancinante question du devenir de la lutte anti-terroriste dans une région infestée par les groupes armés, cette évolution de la situation dans ce pays frontalier de l'Algérie peut, en revanche, ouvrir la voie à la réémergence d'une solution politique, tel que préconisé par l'Accord d'Alger. La France a acté, jeudi, le retrait de ses 2 500 soldats du Mali, après neuf ans de présence dans ce pays du Sahel, dans le cadre de l'opération Serval (janvier 2013-juillet 2014), puis Barkhane, qui totalise environ 5 000 soldats opérant dans quatre autres pays de la région. L'annonce a été faite via un communiqué conjoint de Paris, des pays européens et du Canada, directement impliqués dans la lutte contre le terrorisme à Bamako, avant une conférence de presse du chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, qui réfute tout échec de l'intervention militaire française dans ce pays. "En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats européens opérant aux côtés de l'opération (française) Barkhane et au sein de la task force Takuba (...) ont donc décidé d'entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations", soulignent ces pays dans leur déclaration conjointe. "Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d'autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés", a expliqué M. Macron, lors d'une conférence de presse, dénonçant le recours par la junte militaire malienne à "des mercenaires de la société (russe) Wagner", à l'origine entre autres de la brouille diplomatique entre Paris et Bamako de ces derniers jours. Et c'est ce qui a accéléré les événements, même si le retrait français du Mali était déjà dans l'air du temps depuis plusieurs mois, avec la suspension, début juin 2021, des opérations conjointes avec les forces armées maliennes et l'annonce par Paris, une semaine plus tard, d'une révision du déploiement de l'opération Barkhane dans ce pays, où les militaires au pouvoir ont mené deux putschs successifs depuis le 14 août 2020. Si Emmanuel Macron se donne un délai de "4 à 6 mois" pour achever le retrait de ses militaires, la junte au pouvoir à Bamako a accouché, hier, d'un communiqué exigeant de Paris et de la force européenne de quitter le Mali dans l'immédiat. "Au regard de ces manquements répétés (aux) accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes", lit-on dans le communiqué de la junte. "Je ne transigerai pas une seconde sur leur sécurité", a rétorqué M. Macron, lors d'une conférence de presse à l'issue du 6e sommet entre l'UE et l'Union africaine à Bruxelles. La montée du sentiment anti-français au Mali, bien qu'instrumentalisé, a concentré le débat sur l'utilité de la présence de Barkhane dans le Sahel, où la porosité des frontières entre ces Etats fragiles fait déjà craindre la pire autorité au Niger. Et ce n'est certainement pas sur la Minusma (mission onusienne) que la junte pourra s'appuyer pour poursuivre les efforts de lutte antiterroriste, celle-ci ayant surtout un rôle plutôt défensif. Les 5 000 soldats de la force conjointe du G5-Sahel n'ont pas non plus les moyens pour un défi aussi immense dans une région aussi vaste que le Sahel. "La lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains", a résumé le président sénégalais Macky Sall, présent aux côtés de M. Macron.