Le lanceur d'alerte et défenseur des droits humains, Zakaria Hannache dit Zaki, a été interpellé dans l'après-midi de vendredi 18 février, au domicile familial, sis à Cherarba, commune des Eucalyptus, dans la banlieue sud-est d'Alger. Selon les témoignages des membres de sa famille, des policiers en civil se sont présentés chez lui, vers 16h, pour l'arrêter et confisquer son téléphone mobile, après avoir perquisitionné son domicile. Il sera ensuite conduit au commissariat de police de la rue Dr Saâdane (ex-Trolard), sis à Alger-Centre, où il sera placé en garde à vue, a indiqué le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). "Le père de Zaki qui est allé voir son fils ce matin à la rue Dr Saâdane a été informé que ce dernier a été transféré au commissariat central de la wilaya d'Alger. Il sera fort probablement présenté demain (aujourd'hui, ndlr) devant le parquet. Pour le moment, on ignore encore ce qui est reproché à ce jeune défenseur des droits humains, auquel nous exprimons toute notre solidarité", nous a fait savoir, hier, Saïd Salhi, le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh). Cette interpellation du militant Zaki Hannache, qui intervient, faut-il le souligner, à la veille de la célébration du 3e anniversaire du déclenchement du "Hirak populaire" qui a avorté la perspective d'un cinquième mandat pour le défunt président Abdelaziz Bouteflika, n'a pas manqué de susciter la réaction des organisations de défense des droits humains, des personnalités politiques, des acteurs du Hirak, des avocats et autres activistes sur les réseaux sociaux, lesquels ont déjà lancé, hier, une pétition pour réclamer sa libération immédiate. "À quelques jours du troisième anniversaire du Hirak, l'arrestation de Zakaria Hannache est une énième dérive du système autoritaire au pouvoir. Zakaria Hannache est un modèle d'engagement pacifique au sein du mouvement populaire", notent, d'emblée, les initiateurs de la pétition. Parmi les 130 premiers signataires, figurent le président du RCD, Mohcine Belabbas, Zoubida Assoul de l'UCP, Me Mostefa Bouchachi, Mahmoud Rachedi (PST), auxquels s'ajoute une dizaine d'organisations, dont la Laddh, SOS disparus, Riposte internationale et des collectifs citoyens de la diaspora algérienne. "En arrêtant ce jeune militant qui a fait ses écoles au sein du mouvement populaire, le système au pouvoir veut occulter la question des détenus d'opinion et affaiblir le travail de veille effectué par les défenseurs des droits humains", estiment les mêmes pétitionnaires. Et d'ajouter : "À ce jour, plus de 300 personnes sont arbitrairement détenues. Un climat de terreur pèse sur les militants et les citoyens investis dans le mouvement populaire dont les droits et les libertés les plus fondamentales sont menacés." Exprimant leur soutien "indéfectible" à Zakaria Hannache, aux détenus d'opinion et à tous ceux qui subissent "les affres de la répression", les signataires de la pétition condamnent "fermement la dérive répressive" du pouvoir et exigent "la libération immédiate et la réhabilitation pleine et entière des détenus d'opinion". Dans une déclaration à Liberté, Me Noureddine Ahmine, l'un des avocats du Hirak et membre du barreau de Médéa, déplore que "l'arrestation du jeune Zaki Hannache coïncide avec cette journée nationale du Chahid, alors que sa famille a donné deux martyrs durant la Révolution (1954-1962) et que son village (Issoumer) a été déclaré zone interdite en 1957". De son côté, le chercheur en Histoire et auteur de plusieurs ouvrages, Kitouni Hosni, s'est interrogé sur les raisons de cette arrestation. "Je lis les posts de ce jeune Zaki Hannache, à travers lesquels il avertit sur les arrestations, les procès, les libérations de détenus. C'est un acte social et moral qu'il a accompli avec dévouement, intégrité et courage. Son arrestation est totalement incompréhensible. Oui je ne comprends pas pourquoi un jeune habité par sa mission humanitaire soit traité de la sorte. Je ne comprends pas pourquoi mon pays, tellement traumatisé par les injustices passées, en vienne à en commettre de nouvelles à l'égard des meilleurs de ses enfants. Je ne comprends pas pourquoi la politique a besoin de prisons et pourquoi la prison est la destination des politiques ? Non je ne comprends pas et cela fait terriblement mal à mon pays, et je ne suis pas le seul à ne pas comprendre !" Rappelons, enfin, que Zaki Hannache est connu notamment pour son engagement dans la défense des détenus d'opinion et leurs familles. Originaire du village Issoumer relevant de la daïra de Guenzet, dans les Ath Yaâla, dans la wilaya de Sétif, cette figure du mouvement populaire n'a cessé de relayer depuis plus de deux ans, des informations sur les actions du Hirak, mais aussi et surtout sur les violations des droits humains et la répression qui s'abat sur les manifestants pacifiques et les activistes politiques. Ce qui lui a valu d'être lauréat de la 4e édition du prix Ali-Bey-Boudoukha, en décembre 2021, en sa qualité de meilleur lanceur d'alerte.