Le président Poutine a pris de court le monde et faussé tous les pronostics en décidant de passer à l'acte contre l'Ukraine. Et il ne s'arrêtera qu'une fois ses objectifs atteints. Quand les Etats-Unis avertissaient que la Russie s'apprêtait à envahir l'Ukraine, aucun pays, y compris parmi les Alliés, n'y voyait de signe probant. L'issue diplomatique était privilégiée jusqu'à cette ultime heure où le président Poutine a pris la décision d'attaquer l'Ukraine, alors que son chef de la diplomatie, Serguei Lavrov, devait rencontrer le même jour, jeudi, son homologue américain, Antony Blinken. Si les officiels américains ont excellé dans la propagande, le président français, Emmanuel Macron, plus enclin à une solution par le dialogue, a clairement affiché sa désapprobation et sa déception après son dernier entretien avec Vladimir Poutine, auquel il reprochait l'orientation idéologique. Cette appréciation de Macron renvoie sans doute au rêve du maître du Kremlin de redonner à la Russie ses véritables dimensions politiques et militaires perdues, de manière humiliante, sous le règne de Boris Eltsine. Et la concrétisation de ce projet cher à Poutine passe inévitablement par la reconquête de territoires de sorte à bâtir une nouvelle citadelle à même de garantir la sécurité de la Russie. Sécurité que le président Poutine a toujours brandie comme étant menacée par la montée des radicaux et des extrémistes en Ukraine, et la volonté de l'Otan de s'installer à la frontière de la Russie. Vladimir Poutine a promis de ne pas envahir l'Ukraine et de retirer ses troupes une fois l'objectif de la mission spéciale de son armée atteint. Après les premières salves, les objectifs commencent à devenir clairs. Poutine cherche à "démilitariser" l'Ukraine et à s'installer avec une force de maintien de la paix dans le Donetsk et le Louhansk, deux enclaves séparatistes à majorité russophone, soutenues par la Russie, en rébellion depuis huit ans avec l'Ukraine. Poutine justifie son acte par l'attitude criminelle de Kiev contre les populations de ces régions, alors que Serguei Lavrov a précisé hier que "la Russie veut libérer les Ukrainiens de l'oppression". Ce qui, selon son optique, légitime une intervention militaire. En plus d'affaiblir l'Ukraine militairement et de la dépouiller de ses moyens de défense, Poutine pourra, avec l'indépendance du Donetsk et du Louhansk, constituer un rempart devant l'élargissement de l'Otan et prendre le contrôle de l'accès vers la mer Noire. Le président du Donetsk a d'ailleurs annoncé la couleur dès que le président Poutine a signé la résolution de reconnaissance de l'indépendance en déclarant qu'il organisera un référendum pour l'adhésion à la fédération de Russie. Le nouvel état de Louhansk ferait certainement de même. L'annexion de ces deux "Etats" était le principal objectif de Poutine, comme la Crimée en 2014, car elle ouvre des perspectives stratégiques pour la Russie, qui tente de regagner les territoires de son ancienne influence pour freiner les velléités expansionnistes de l'Otan vers l'Est, tout en renforçant sur l'autre flanc – pour ne pas dire front – l'axe Moscou-Pékin ; la Chine figurant aujourd'hui dans les priorités de la politique extérieure des Etats-Unis. C'est probablement ce qui a laissé réticents à intervenir et l'Otan et les Etats-Unis ; réticence que relève le président turc Erdogan, qui a estimé que l'Ukraine a, en quelque sorte, été abandonnée. En réaction à son acte dénoncé par la communauté internationale, la Russie n'a eu droit qu'à des annonces de sanctions économiques auxquelles elle s'était déjà préparée. Et seul Poutine déterminera la suite que connaîtra cette invasion de l'Ukraine.