Des statistiques très éloquentes ont ponctué l'allocution de Tayeb Belaïz à l'ouverture du forum sur le rôle du mouvement associatif dans l'insertion sociale des détenus, hier à l'hôtel Riadh de Sidi-Fredj. 59% des incarcérés ont moins de 30 ans, 84% ont un niveau d'instruction équivalent aux deux paliers du fondamental. Enfin, la quasi-totalité réside dans la ceinture de pauvreté autour des grandes villes. Jeunesse, analphabétisme et indigence sont ainsi les principaux tickets d'entrée en prison. Afin d'y remédier, la prévention est certes le moyen le plus efficient. L'école et le travail constituent, à cet effet, les meilleurs remparts contre la délinquance. C'est en tout cas l'avis du ministre de la Justice. De son côté, il s'efforce, avec l'aide de ses services et d'organismes internationaux comme le Pnud, à ramener les pensionnaires des établissements pénitentiaires dans le droit chemin. Leur rééducation est l'une des missions de l'administration carcérale. “La prison n'a pas pour seule vocation de punir mais d'éduquer”, préconise le garde des Sceaux. Selon lui, de grands pas ont été accomplis dans cette direction. En témoigne, à ses yeux, l'augmentation du nombre de détenus ayant bénéficié de formation. 5 697 ont été scolarisés en 2005, contre 3 127 en 2004. Les bénéficiaires des stages professionnels sont passés de 2 219 en 2004 à 3 920 au cours de cette année. Le fruit de cet investissement réside dans la réussite de 243 candidats au baccalauréat et 259 au BEF. Cependant, quel sort sera réservé à ces brillants élèves une fois sortis de prison ? Qui veillera à la poursuite de leur scolarité ou les aidera à trouver du travail ? Des entreprises accepteront-elles de les recruter, sachant qu'ils sont des repris de justice ? En somme, comment éviter aux anciens détenus de retomber dans le crime, nourris par des sentiments d'exclusion et de vengeance ? Qualifiant la hausse de la criminalité de “situation très dangereuse”, le garde des Sceaux a appelé à l'implication de tous, ministères, collectivités locales, mouvement associatif… “Le détenu est confronté à d'énormes obstacles quand il quitte la prison”, reconnaît-il. Afin de l'aider à les surmonter, la chancellerie a élaboré une série de textes. Tayeb Belaïz parle de “stratégie nationale”. Une partie de ces mesures est effective. La première concerne justement la mise en place d'une commission mixte ministérielle qui a pour mission de prendre en charge la réinsertion sociale et professionnelle des prisonniers. Le ministère de la Solidarité, dont le premier responsable a assisté à l'ouverture du forum, est mis à contribution pour faire bénéficier les libérés de ses dispositifs d'aide à l'emploi. Toujours au chapitre de la solidarité, un second décret porte sur l'aide aux plus démunis parmi les anciens incarcérés, dont les mineurs et les femmes seules, les vieillards ainsi que les handicapés. Si une partie de cette aide est dévolue aux institutions de l'Etat, la société civile est également interpellée. À ce propos, le garde des Sceaux affirme que les associations ont le droit de se rendre dans les prisons pour s'enquérir des besoins des incarcérés. Le Canada où active une association de milliers de bénévoles est un bon exemple à suivre, d'après lui. Plus d'une quarantaine d'associations locales, originaires de 31 wilayas ont répondu à l'invitation de l'administration pénitentiaire. “Il existe 73 000 associations dans le pays. Il faut bien que certaines militent à nos côtés”, observe son directeur général. En attendant cet investissement, l'aide et l'accompagnement des ex-détenus seront accomplis par des services externes de l'administration carcérale qui ouvriront dans toutes les wilayas. Dirigés par des fonctionnaires de la direction pénitentiaire, ils auront une double vocation : offrir une écoute et assister les anciens prisonniers dans la recherche de logement, d'emploi… Selon M. Felioune, ces services seront le baromètre de la réinsertion. Celle-ci commence en principe en prison. À cet effet, la chancellerie a donné son aval pour le renforcement du travail en milieu semi-ouvert. Une convention vient d'être signée avec la Direction des forêts prévoyant la création de 12 entreprises de forestation en 2006 et 12 autres en 2007. Les travailleurs seront recrutés parmi les incarcérés en fin de peine et faisant preuve d'une bonne conduite. Les admis aux examens scolaires bénéficient, quant à eux, d'autres mesures incitatives, comme la liberté conditionnelle, la semi-liberté ou leur transfert dans des pénitenciers proches du lieu de résidence de leur famille. S. L.