Trois ans après le mouvement du 22 Février qui a profondément chamboulé le paysage politique national, les partis politiques tentent de retrouver leur boussole. Si ceux du pouvoir peinent à retrouver leur "légitimité", ceux de l'opposition font dans la résistance dans un contexte hostile. Ils mènent la bataille pour leur survie... Le bal de ces congrès sera ouvert le 26 mars prochain par le Parti des travailleurs (PT). Le Parti que préside Louisa Hanoune tiendra son 8e congrès ordinaire. Une occasion pour les dirigeants et militants de ce parti de faire le bilan de ce long parcours et de se projeter dans un avenir autant compliqué qu'incertain. Ce sera également l'occasion de savoir si ce parti, qui a connu des périodes de fortes turbulences et fait face à des tentatives de déstabilisation, va changer de chef. Issu du mouvement trotskiste, le Parti des travailleurs a marqué la scène politique nationale depuis l'ouverture au pluralisme politique. Partisane de la "réconciliation nationale" durant les années 90, la formation politique s'est positionnée, depuis l'arrivée du défunt Abdelaziz Bouteflika au pouvoir, sur le terrain de la moralisation de l'action politique et surtout dans la lutte pour les droits sociaux des Algériens. Militante au long cours et syndicaliste aguerrie, sa cheffe, Louisa Hanoune, n'hésite pas à s'en prendre à certains ministres qu'elle jugeait proches des Américains. Ainsi, en 2005, elle s'était farouchement opposée à la nouvelle loi sur les hydrocarbures que le pouvoir, par le biais de Chakib Khelil, tentait de faire passer. Son combat porta ses fruits : le texte fut retiré. Autres cibles auxquelles elle mena une guerre sans merci : "les oligarques" qui avaient essaimé le pouvoir et siphonné les deniers publics durant la deuxième moitié du règne du défunt chef de l'Etat. Le temps finit par lui donner raison puisqu'une partie de ces "hommes d'affaires" sont aujourd'hui en prison. À deux reprises, en 2004 et 2014, la secrétaire générale du PT s'était portée candidate à l'élection présidentielle. Malgré une bonne campagne, elle ne réussit pas à bousculer la hiérarchie, puisqu'Abdelaziz Bouteflika reste au pouvoir jusqu'à ce que les Algériens décident de le chasser en 2019. Ironie de l'Histoire, la dame, qui avait connu les affres de la prison durant les années du parti unique, a été emprisonnée, une nouvelle fois, en mai 2019. Elle passera 9 mois en prison avant d'être libérée. Elle a définitivement été acquittée en appel. Elle et son parti, qui ont connu une énième tentative de déstabilisation, sont désormais devant un nouvel enjeu : celui de faire émerger de nouvelles figures et de donner un nouveau cap à leur parti surtout que depuis quelques mois, les formations politiques se plaignent de la fermeture des espaces politiques et médiatiques. Pour le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), autre parti dont le congrès devrait se tenir en juin prochain, l'enjeu dépasse celui de pouvoir tenir un rendez-vous organique. Ce rendez-vous devra porter théoriquement une nouvelle figure à la tête du parti, fondé en 1989. Un changement de sigle même n'est pas exclu. Si la tenue du congrès est exigée par l'agenda (le parti a dépassé les délais réglementaires), la volonté de redynamiser le parti à l'aune des chamboulements et des mutations opérées dans le pays se sont imposés à ses dirigeants depuis bien longtemps. Le parti, qui a choisi d'accompagner le mouvement populaire, tente de s'ouvrir sur d'autres courants et composantes de la société et de sortir de ses fiefs traditionnels. Mais ses positions ne l'ont pas mis à l'abri puisqu'il est la cible de pressions depuis un moment de la part du pouvoir. Beaucoup de ses militants sont sous le coup de poursuites, alors que son premier responsable est sous contrôle judiciaire. La pression est telle que dans certaines régions, des militants redoutent de s'afficher sous les couleurs du parti. "De peur d'être persécutés par les autorités, beaucoup de militants refusent de s'afficher" dans certaines régions du pays, nous confient des sources internes au parti et qui insistent sur le fait que beaucoup de citoyens "ont peur de s'engager" même si, sur le terrain, le RCD "engrange beaucoup d'adhésions". Être ou ne pas être... Sauf surprise, le 6e congrès du RCD se tiendra donc en juin prochain. S'il a déjà annoncé sa volonté de ne pas briguer un troisième mandat, Mohcine Belabbas pourrait rester encore quelque temps "sur insistance des militants", convaincus que les conditions générales ne permettent pas la tenue d'un congrès dans les "meilleures conditions" et encore moins d'exercer "sereinement" l'activité politique. Pour l'heure, rien ne filtre si le concerné va céder ou renoncer. Mais dans un cas, comme dans l'autre, le parti est appelé à adopter de nouveaux paradigmes. L'autre parti qu'attend un rendez-vous organique important est le Front des forces socialistes. Embourbé dans des problèmes internes depuis le retrait, en 2012, de son leader historique, Hocine Aït Ahmed, le FFS vit au rythme de crises organiques internes cycliques. En principe, il devait organiser son congrès en 2018. Mais les luttes internes, conjuguées à la crise de la Covid-19, ont rendu la tâche impossible. Prévu à plusieurs reprises, le congrès a été souvent ajourné. À quelques mois de ce rendez-vous, la situation ne s'est cependant pas améliorée. Depuis quelques semaines, des remous en sourdine et des divergences d'approche secouent le plus vieux parti d'opposition. Des divergences que les dirigeants tenteront de dépasser à l'occasion de la tenue d'une session du conseil national le 26 mars prochain. Pour ce parti, le premier enjeu de ce congrès sera le retour à l'ancien schéma organique. L'instance présidentielle, institution collégiale créée pour gérer le parti après le départ de Hocine Aït Ahmed en 2012, a montré ses limites. Elle est même à l'origine de multiples blocages qui ont conduit à la tenue de congrès extraordinaires. À l'intérieur du parti, la réflexion porte sur le retour au poste de président du parti couplé d'un secrétaire général (ou premier secrétaire) ou sur la désignation d'un président assisté de vice-présidents. Une situation qui permettra de dépasser les multiples situations de blocage. Sur un tout autre registre, le parti du Front de libération nationale (FLN) organise, lui aussi, son congrès. Prévu en mai 2022, ce rendez-vous a été reporté jusqu'à l'achèvement du processus électoral qui s'est terminé en février dernier par les élections sénatoriales. Après avoir éliminé les oppositions, l'actuel secrétaire général, Baâdji Abou Al-Fadhl est bien parti pour briguer un nouveau mandat à la tête du parti qui a accompagné tous les pouvoirs successifs depuis l'indépendance du pays. Mais contrairement aux partis d'opposition, le FLN qui a adopté un slogan qui veut que la formation "se renouvelle et ne disparaisse pas" ne va pas se transformer. Il restera un appui du pouvoir en place. Il reste désormais à savoir si les partis d'opposition, déjà largement bannis de l'espace médiatique officiel, auront la possibilité de tenir leur congrès sans trop de restrictions. Surtout que depuis ces deux dernières années, des partis comme le RCD et le PT ont trouvé des difficultés à réunir les conseils nationaux faute d'autorisations de l'administration. Ils ont comme premier défi de savoir contourner l'adversité qui s'impose à eux.