"Nous ne sommes pas à la hauteur. Cela fait sept mois que nous sommes ici, nous n'avons rien fait". Devant une petite poignée de députés réunis le 11 mars dernier pour discuter de la loi sur le règlement budgétaire, le député Fawzi Benamar laisse éclater sa colère. Elu sur la liste RND de la wilaya de Tlemcen, le député refuse de s'exprimer sur le sujet du jour. Il préfère s'en prendre à ses collègues "qui sont restés chez eux" et pour "transmettre la voix du peuple" qui "nous a élus". S'il a choisi de s'attaquer à ses collègues, c'est que ce jour-là, l'hémicycle était quasiment vide. Sur les 406 députés "élus" lors des législatives de juin 2021 que compte la nouvelle Assemblée, seule une dizaine était présente. Une image visiblement assez fréquente ces derniers temps. Hier, des députés de la commission juridique devaient tenir une réunion pour discuter de textes soumis par le ministère de la Justice. Mais "la rencontre a été reportée", nous a-t-on dit à la réception de la Chambre basse du Parlement. Selon des sources au sein de l'Assemblée, l'absentéisme est devenu la règle ces derniers temps. "À plusieurs reprises, des débats ont dû être ajournés à cause de l'absence quasi totale des députés. Des fois, les séances reprennent l'après-midi. Et parfois, cela peut prendre plusieurs jours", s'offusque une source parlementaire. Et cela touche pratiquement tous les groupes parlementaires. Tous les parlementaires sont concernés et les rares lois qui ont été débattues ces derniers jours l'ont été devant un hémicycle désespérément vide. Ce comportement, observé déjà lors de la précédente législature, est pourtant "puni" en principe par le règlement intérieur qui autorise l'administration de l'Assemblée populaire nationale à défalquer des sommes importantes sur des primes octroyés aux parlementaires. Mais cela ne semble pas dissuader les députés. Outre l'absentéisme chronique, la Chambre basse du Parlement est installée presque dans une espèce de chômage technique qui ne dit pas son nom. Très peu de textes de loi sont programmés. Son agenda est maigre. Hormis les "questions au gouvernement" qui meublent l'emploi du temps les jeudis, les députés "chôment" le reste de la semaine. À titre d'exemple, pour ce mois de mars, le bureau de l'APN a fixé "la reprise" des plénières au 20 mars et le nombre de lois à débattre est dérisoire : trois projets soumis par le ministère de la Justice, dont l'une concerne le statut des magistrats et des questions orales. Pour le reste, l'activité parlementaire est meublée par les réunions de commissions, de quelques rencontres thématiques ou des réceptions du président de la Chambre, Brahim Boughali, qui accueille de temps à autre des diplomates ou des personnalités étrangères de passage à Alger. Evidemment que le peu d'activités a un impact sur la qualité des débats à l'Assemblée populaire nationale qui fut, dans le passé, un temple de débats contradictoires malgré l'omnipotence des partis du pouvoir.