Mme Houria Salhi, pédopsychiatre et présidente de l'association de psychologie Arpeij, fait le point sur les différentes causes qui sont à l'origine de l'angoisse et le comment s'en sortir indemne. Liberté : Professeur Salhi, pourquoi les Algériens sont-ils intéressés par les problèmes se rapportant à l'angoisse ? Pr Salhi Houria : Je ne pense pas que les Algériens, plus qu‘ailleurs, sont intéressés par les problèmes de l'angoisse. Mais, on peut dire que des événements traumatisants à répétition se sont produits en Algérie, que ce soit des événements de type humain comme le terrorisme, ou des catastrophes naturelles comme l'inondation de Bab El Oued et le séisme de Boumerdès. Ces événements ont mis l'ensemble des individus face à des menaces, à des dangers par rapport à leur intégrité personnelle, physique ou psychique. Et c'est finalement ça l'angoisse. Existe-t-il d'autres catégories de la population enclines à l'angoisse ? Je pense que vivre sans l'angoisse, c'est vivre dans un monde idéal, d'où seraient bannies toutes les causes de l'angoisse. L'angoisse c'est le sentiment d'insécurité personnelle, de non-reconnaissance de son identité, de sa liberté, de ses désirs. C'est le sentiment de compter pour les autres, d'être une valeur… Si je ne compte pas pour les autres, si on ne m'accorde pas une place dans ma famille, dans la société, je perds l'estime de moi-même. C'est une des causes fondamentales de l'angoisse. Concrètement ? En Kabylie, par exemple, les gens ont été confrontés à des situations de non-reconnaissance identitaire, qui a entraîné une blessure narcissique et qui fragilise les individus, les rendant vulnérables par rapport à l'angoisse. Sur le plan économique et social, un père de famille qui perd son emploi craint le même sentiment de non-valeur, il craint de ne pas remplir son rôle de père de famille… Il perd l'estime de lui-même et devient fragile. Comment prévenir et traiter alors les causes de l'angoisse ? Je suis presque tentée de vous répondre comme un magistrat à qui vous demandez comment prévenir et traiter le crime et le délit. Que répondra-t-il ? Il va dire que c'est un problème de société, car la justice est l'affaire de toutes et de tous. De la même façon, je vous répondrai que cela concerne tout le monde. Mais dans quel cas interviennent les professionnels de la santé mentale ? On intervient quand il y a souffrance, quand on s'adresse à nous. À ce moment-là, sur le plan individuel, on accompagne le patient pour qu'il cerne les causes de son angoisse et pour pouvoir la maîtriser. Dans certains cas, des traitements peuvent être utiles, mais comme des adjuvants et non pas comme un traitement de fond. Le gros travail est fait par le patient lui-même. Propos recueillis par HAFIDA AMEYAR