Combien de fois, on a promis de restaurer le Ksar, ce village saharien sédentaire et ses maisons en toub qui l'accotent, et pour lequel, malheureusement, rien n'a été fait ? Une œuvre d'art inestimable et incomparable, un site touristique, est en train de végéter à l'abandon. Chaque jour qui passe, le temps et la main des destructeurs le réduisent à néant ou provoquent la perte de quelques pans de notre civilisation. La ville de M'doukal, qui signifie en berbère les amis et que les Romains nommaient Aqua viva, l'eau vivante, avec son ksar et ses maisons séculaires dont la construction remonte au XVIIe siècle, avec son oasis renfermant plus de 80 000 palmiers de différentes variétés et d'environ 400 000 arbres fruitiers, aurait dû devenir l'un des pôles touristiques de la région, voire même du pays, si elle avait eu seulement quelques égards. Située au sud-ouest du chef-lieu de la wilaya de Batna, M'doukal est l'une des régions des Aurès dont les visites répétées n'épuisent ni le charme ni le mystère. La frontière entre rêve et réalité s'estompe comme s'estompent les contours dans cette lumière qui baigne les œuvres de Houara. À l'opposé du désert brûlant, la fraîcheur de la palmeraie. C'est là où l'on trouve la paix et la joie de l'oasis délicieuse, c'est là où l'on entend partout le murmure continu du chant profus des seguia, c'est là où l'on s'émerveille des jardins cultivés à l'ombre des dattiers au prix d'un tableau incessant. À n'en choisir que quelques-uns, il ne faudrait pas omettre le Ksar, cet ancien village saharien sédentaire qui, bien souvent, assume la garde et l'entretien des biens des nomades, des entrepôts et des jardins. Construit en bordure de la palmeraie pour prévenir les agressions et entouré souvent de remparts en toub ou pisé de terre séchée, même matériau que les maisons, adossées les unes aux autres et reliées par leurs terrasses, ce décor subjugue le cœur le plus insensible. Cette architecture surgie directement du sol, en harmonie totale avec la nature et complètement fondue dans le paysage, a inspiré beaucoup d'œuvres intéressantes. Lorsque vous le découvrez, vous ressentez fortement l'uniformité des “constructions couleur de terre” aux contours dilués sous la lumière trop forte. Des ruelles étroites, sinueuses et ombrées parcourent les maisons séculaires et communiquent avec les jardins… Les colorations sont observées de préférence aux heures du jour où le soleil blondit la terre. La ville de M'doukal, en séductrice, sait conquérir les cœurs et de faire de son adepte éternelle. Fromentin avait terminé son Eté dans le Sahara par ces mots sincères : “N'importe, il y a dans ce pays je ne sais quoi d'incomparable qui me le fait chérir. Je pense avec effroi qu'il faudra bientôt regagner le Nord. Et le jour où je sortirai de la porte de l'Est pour n'y entrer plus jamais, je saluerai d'un regret profond cet horizon si menaçant, si désolé et qu'on a si justement nommé pays de la soif.” (L'Algérie du Sud et ses peintres) Et moi, je ne peux jurer que par “je reviens à M'doukal si Dieu me prête longue vie !” B. Belkacem